Les affaires sont les affaires, surtout au pays du capitalisme débridé. Alors que les incendies qui ravagent la région de Los Angeles depuis mardi 7 janvier ne sont toujours pas maîtrisés, les agents immobiliers du coin ont fait un constat effarant : en quelques jours, les prix des logements disponibles ont explosé. Parmi les 150 000 personnes évacuées de chez elles, nombreuses sont celles à avoir tout perdu – les logements détruits devraient se compter par milliers.
Si pour le moment des abris de fortune ont été mis à disposition par les autorités, les personnes évacuées devraient bientôt retrouver un toit, même provisoire. Mais dans une zone où le marché de l’immobilier était déjà très tendu – en 2022, il manquait au moins 337 000 logements par rapport aux besoins, selon les données du site d’annonces immobilières Zillow –, les choses ne risquent pas d’aller en s’améliorant. «Les gens sont tellement paniqués et désespérés de trouver une maison qu’ils jettent l’argent par les fenêtres, s’est alarmée auprès du New York Times une agente immobilière de Los Angeles, Laura Kate Jones. Et d’autres en profitent. C’est horrible.»
Une hausse de 76,92 %
Interrogé par la BBC ce week-end, l’agent immobilier Jason Oppenheim, qui officie dans l’émission à succès Selling Sunset, a lui aussi tiré la sonnette d’alarme ce week-end, racontant l’histoire de l’un de ses clients qui avait offert 20 000 dollars par mois à un propriétaire qui en demandait 13 000 mensuels avant le drame… Il s’est vu rétorquer qu’on ne lui louerait pas le bien en dessous de 23 000 dollars. Soit une hausse de 76,92 %.
Interview
Pourtant, le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, a déclenché la semaine dernière l’état d’urgence dans le comté de Los Angeles, entraînant de fait une protection contre la hausse des prix abusive – les bailleurs ne peuvent théoriquement pas majorer de plus de 10 % leurs loyers. Cette mesure a été prolongée par décret par le gouverneur jusqu’au 7 janvier 2026.
«Des algorithmes basés sur l’offre et la demande»
Au-delà du cynisme éhonté de ces hausses de prix irraisonnées, le procureur général de l’Etat, Rob Bonta, a insisté lors d’une conférence de presse samedi 11 janvier sur leur illégalité : «C’est un crime passible de près d’un an de prison et de 10 000 dollars d’amende.» Dans son allocution, le magistrat a également ciblé les plateformes de location et les hôtels, menaçant ceux qui contreviendraient à la loi – notamment parce qu’ils «utilisent des algorithmes basés sur l’offre et la demande pour fixer leurs prix» – de sanctions. Le procureur général a aussi insisté sur la nécessité de dénoncer les bailleurs pratiquant des loyers hors la loi. Des associations de locataires ont pour leur part appelé à des gels de loyers pour limiter la casse.
A Los Angeles, le rythme des constructions de logements, en particulier de logements abordables, ne suit pas les besoins. Selon ses propres estimations, la ville doit se doter de près de 500 000 nouveaux bâtiments d’habitation, mais la production de nouveaux logements est en déclin depuis une dizaine d’années. En 2024, le nombre de constructions approuvées par la mairie n’était que de 3 860, le chiffre le plus bas en dix ans. Riquiqui pour une ville qui compte 3,821 millions d’habitants – plus de 10 millions sur tout le Comté.
Et dans cette économie, si les résidents des quartiers rupins emportés par les flammes se rabattent le temps de reconstruire ses luxueuses villas sur des locations moins coûteuses, leurs prix pourraient grimper en flèche. La crise pourrait alors toucher encore plus durement les populations les plus fragiles. Sans compter que les besoins de reconstruction vont être si importants dans les années à venir que la main-d’œuvre, déjà insuffisante, pourrait vite venir à manquer.