Le Guyana à nouveau au centre des convoitises, et des tensions. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio est arrivé ce jeudi dans ce petit pays limitrophe du Venezuela aux importantes réserves pétrolières pour proposer de le placer sous la protection américaine en matière de sécurité, alors que Caracas revendique une partie de son territoire.
Le même Rubio a d’ores et déjà averti le Venezuela sur la perspective d’une attaque sur Guyana : «S’ils (les Vénézuéliens) devaient attaquer le Guyana ou attaquer (le groupe pétrolier américain) ExxonMobil […] ce serait une très mauvaise journée - une très mauvaise semaine - pour eux. Cela se terminerait mal», a mis en garde le responsable américain lors d’une conférence de presse à Georgetown, soulignant la force et la présence de la marine américaine. «Il y aura des conséquences à l’aventurisme. Il y aura des conséquences à des actions agressives», a insisté Marco Rubio.
Or noir
Une décennie après la découverte de vastes réserves, le petit pays anglophone d’Amérique du Sud est sur le point de devenir cette année le plus grand producteur de pétrole par habitant, dépassant le Qatar et le Koweït. Mais le Guyana s’inquiète des prétentions de Caracas, adversaire déclaré de Washington, sur l’Essequibo, territoire riche en pétrole de quelque 160 000 km2 qui couvre les deux tiers de la superficie du pays.
Marco Rubio doit signer un mémorandum d’entente décrivant la coopération en matière de sécurité, a annoncé le département d’État. Il fera aussi une halte plus tard jeudi chez le voisin du Guyana, le Suriname, petit pays néerlandophone, dont la propre production pétrolière est en augmentation. Il était mercredi en Jamaïque pour des discussions avec les nations caribéennes.
La sécurité du Guyana est une «priorité clé»
Le président du Guyana, Irfaan Ali, s’est félicité de la protection américaine. «Je suis très heureux que les Etats-Unis» aient promis de garantir «notre intégrité (territoriale) et notre souveraineté», a-t-il déclaré. Le président guyanien qui arrive à la fin de son mandat et visera une réélection en fin d’année, a adopté une position ferme face au Venezuela, se rapprochant de Washington, notamment sur le plan sécuritaire.
L’administration du président Donald Trump a déclaré qu’elle envisageait de mettre en place avec le Guyana une relation analogue à celles avec les nations du Golfe persique riches en pétrole, qui accueillent des troupes américaines. «La sécurité du Guyana est une priorité clé pour nous de la même manière que nous avons travaillé avec les pays des États du Golfe pour assurer la coopération en matière de sécurité face aux menaces régionales là-bas», a déclaré Mauricio Claver-Carone, l’envoyé spécial des États-Unis pour l’Amérique latine. «Nous avons vu les menaces du Venezuela», a-t-il déclaré aux journalistes avant son voyage. «Évidemment, c’est inacceptable et nous voulons travailler ensemble» pour «trouver un accord vers une coopération en matière de sécurité contraignante».
La majorité des 800 000 habitants du Guyana, ancienne colonie britannique et néerlandaise, vit dans la pauvreté. Il existe un mouvement qui milite pour l’intégration du pays aux Etats-Unis. Une telle adhésion formelle ne devrait pas être discutée, mais Donald Trump n’a pas caché sa passion pour l’expansionnisme. Il a promis de prendre le contrôle du Groenland, territoire autonome du Danemark où le vice-président JD Vance effectue vendredi une visite critiquée par Copenhague, allié de l’Otan. Le président américain a aussi insisté sur le fait que les États-Unis «reprendront» le canal de Panama.
Tensions croissantes
Le président guyanien Irfaan Ali, qui arrive à la fin de son mandat et visera une réélection en fin d’année, a adopté une position ferme face au Venezuela, se rapprochant de Washington, notamment sur le plan sécuritaire. D’obédience socialiste, le président vénézuélien Nicolas Maduro, honni par le Cubano-Américain Marco Rubio, a relancé les revendications vénézuéliennes, organisant notamment un référendum sur l’Essequibo en 2023.
Caracas a approuvé l’année dernière un projet de loi pour déclarer l’Essequibo 24e État du Venezuela et assure vouloir y faire élire un gouverneur lors des élections régionales en mai. En mars, le Guyana a dénoncé «l’incursion» d’un navire militaire vénézuélien dans ses eaux. Le Venezuela a nié toute violation et a demandé une rencontre avec le président Ali, qui a rejeté l’offre.
Profil
Le différend ancien sur l’Essequibo a été ravivé lorsqu’en 2015, ExxonMobil a découvert d’importants gisements. Caracas estime que l’accord de Genève signé en 1966 - avant l’indépendance du Guyana - jette les bases d’un règlement négocié hors de la Cour internationale de justice (CIJ) et soutient que le fleuve Essequibo doit être la frontière naturelle, comme en 1777 à l’époque de l’empire espagnol.
Le Guyana assure de son côté que la frontière, datant de l’époque coloniale anglaise, a été entérinée en 1899 par une cour d’arbitrage à Paris. Et demande à la CIJ de le ratifier. L’administration Trump a accordé une priorité élevée à l’augmentation de la production pétrolière, alors que président précédent Joe Biden voulait favoriser les énergies renouvelables pour freiner le réchauffement climatique.
ExxonMobil prévoit une production brute de 1,3 million de barils par jour au Guyana d’ici la fin de la décennie, éclipsant la production actuelle du Venezuela, dont l’industrie s’est effondrée du fait d’années de mauvaise gestion mais aussi des sanctions américaines destinées à évincer Nicolas Maduro du pouvoir. Le Venezuela, qui a dans le passé produit plus de 3 millions de barils/jour, peine aujourd’hui à sortir 1 million de barils de son sous-sol.