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Libération
Disparition

Mexique : Ifigenia Martínez, présidente de la Chambre des députés, meurt à 99 ans

La figure de la gauche et pionnière des luttes féministes mexicaines avait participé, quatre jours avant son décès, le 5 octobre 2024, à la cérémonie d’investiture de Claudia Sheinbaum, la nouvelle et première femme présidente du pays.
A droite, Ifigenia Martínez lors de la prestation de la nouvelle présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, à Mexico le 1er octobre 2024. (Quetzalli Nicte-Ha/Reuters)
publié le 7 octobre 2024 à 17h52

Le 1er octobre, l’image de cette femme menue, vêtue d’orange, en chaise roulante et sous assistance respiratoire, a fait le tour du monde : c’est elle qui a remis à Claudia Sheinbaum l’écharpe de présidente de la République du Mexique, lors de la prestation de serment de la nouvelle cheffe de l’Etat. Ce fut son ultime apparition publique : quatre jours plus tard, Ifigenia Martínez est décédée, à l’âge de 99 ans.

La première femme élue présidente du Mexique avait tenu à associer à son intronisation une femme de gauche, pionnière des luttes féministes, dont elle revendique les combats. «Aujourd’hui elle nous a laissés. J’envoie à sa famille, camarades et ami·es toute mon affection et ma solidarité. Adieu chère professeure Ifigenia», écrit Claudia Sheinbaum dans un message posté samedi soir (dimanche matin, heure de Paris) sur X.

Sur le même réseau social, la quasi centenaire avait exprimé vendredi : «Remettre l’écharpe présidentielle à la première présidente est l’un des plus grands honneurs de ma vie. L’arrivée à la présidence de la docteure Claudia Sheinbaum est l’aboutissement d’une lutte que des générations entières de femmes ont menée. Des femmes qui, avec courage, ont défié les limites de notre temps.»

Témoin de l’histoire récente du Mexique

De façon symbolique, Ifigenia Martínez avait été élue présidente de la Chambre des députés le 1er septembre, afin de lui permettre de participer à la cérémonie d’investiture. Elle avait reçu l’écharpe présidentielle des mains du sortant, Andrés Manuel López Obrador, et l’avait transmise à Claudia Sheinbaum.

Née le 16 juin 1925, Ifigenia Martínez était diplômée en économie, et fera partie en 1948 des fondateurs de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, une émanation de l’ONU qui jouera un rôle fondamental dans le développement de la région. Elle sera ensuite la première femme mexicaine à décrocher un doctorat en économie à l’université Harvard, aux Etats-Unis.

En 1968, elle participe au mouvement étudiant qui occupe la place des Trois-Cultures à Mexico, pour obtenir des réformes démocratiques. Le 2 octobre de cette année, dix jours avant l’ouverture des Jeux olympiques, la police tire sur les étudiants. En l’absence de tout bilan officiel, le nombre de morts se situerait, selon les historiens, entre 200 et 300. Le massacre de Tlatelolco a durablement traumatisé la société mexicaine. Au lendemain de son investiture, le jour du 56e anniversaire de la tuerie, Claudia Sheinbaum, ancienne maire de la capitale Mexico, a présenté des excuses au nom de l’Etat mexicain.

Longévité commune

En 1989, Ifigenia Martínez est l’une des fondatrices du Parti de la révolution démocratique, dirigé par Cuauhtémoc Cardenas, candidat de gauche qui, l’année précédente, avait été frauduleusement battu lors de l’élection présidentielle. Elle rejoint par la suite Morena (Mouvement de régénération nationale), qui portera au pouvoir le premier président gauche de l’histoire du pays, Andrés Manuel López Obrador, en 2018.

La longévité des personnages publics n’est pas rare au Mexique. En 1997 disparaissait Fidel Velázquez, qui, à 97 ans, dirigeait toujours la CTM, le principal syndicat mexicain. Ses soutiens politico-mafieux lui auront permis de se maintenir pendant cinquante-trois ans à la tête de la centrale. De son côté, le président Luis Echeverría (au pouvoir de 1970 et 1976) a été accusé, en tant que ministre de l’Intérieur en 1968, d’avoir planifié et ordonné le massacre des étudiants, et empêché par la suite toute enquête sur les faits. Il a été tardivement mis en examen, en 2006, mais la procédure s’est enlisée. A sa mort, en 2022, elle n’avait guère avancé. Il avait 100 ans.