Il était au cœur d’une des affaires de renseignement les plus désastreuses pour les Etats-Unis, «l’espion le plus nuisible de l’Histoire du FBI», selon le site même de la police fédérale. L’agent double Robert Hanssen est mort lundi 5 juin à 79 ans dans la prison où il était incarcéré depuis 2002. Il a été retrouvé inconscient dans sa cellule de la prison de haute sécurité de Florence, dans le Colorado, où il purgeait une peine de réclusion à perpétuité. Les efforts pour le réanimer sont restés vains, selon un communiqué du Bureau fédéral des prisons.
Chargé du contre-espionnage au sein de la police fédérale, il s’était vendu aux Soviétiques pendant la guerre froide et a livré à Moscou certains des secrets américains les mieux gardés des années 1980 et 1990 en échange d’1,4 million de dollars et de diamants. Il avait rejoint les «G-Men» (les hommes du gouvernement, un des surnoms du FBI) en 1976, après des débuts au sein de la police de Chicago. Quelques années plus tard, il avait rejoint la section du contre-espionnage du bureau de New York, chargée de traquer les espions russes sur le sol américain et de recruter des diplomates soviétiques aux Nations unies.
Alias «Ramon Garcia»
Profitant de ce poste-clé, il avait rapidement offert son aide aux services de renseignements de l’URSS, opérant en toute discrétion sous l’alias «Ramon Garcia» sans que ses officiers traitants connaissent sa véritable identité. Alternant les postes à New York et Washington, il a livré aux Soviétiques puis aux Russes quelque 6 000 pages de documents, comprenant notamment des plans militaires, des logiciels du contre-espionnage et les noms de plusieurs agents doubles opérant pour les Etats-Unis.
Bien que le FBI ait rapidement eu conscience de l’existence d’une taupe dans ses services, il est resté longtemps insoupçonné. Marié, père de six enfants, il vivait sans se faire remarquer, tout en maintenant des liens étroits avec l’élite catholique de la capitale. Il a finalement été mis en cause en 2000 par un Russe ayant fait défection. Placé sous surveillance, il a été arrêté en 2001 alors qu’il s’apprêtait à déposer des documents secrets pour des agents russes dans un parc en Virginie. Au moment de se faire passer les menottes, il aurait regardé ses anciens collègues droit dans les yeux en demandant simplement : «Eh bien, les gars, pourquoi avez-vous mis si longtemps ?»
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L’affaire a fasciné l’Amérique et les livres d’enquêtes sur «Bob Hanssen» n’ont pas tardé à sortir. On y dépeignait un agent bourré d’ambition, qui avait commencé très vite à éprouver de la rancœur pour le FBI, estimant que le bureau ne reconnaissait pas toute sa valeur. Se dégageait aussi le portrait d’un maître de la double vie, trompant ses proches avec autant de naturel que ses supérieurs. Robert Hanssen a évité la peine de mort en acceptant de collaborer avec les enquêteurs. Admettant avoir agi par appât du gain, il a subi 200 heures d’interrogatoire. En 2002, il a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération anticipée.