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Stupéfiant

«N’en donnez pas à votre bébé» : Trump fait un lien entre le paracetamol et l’autisme malgré les doutes des scientifiques

Lors d’une conférence de presse dédiée à la maladie, le président américain a conseillé lundi aux femmes enceintes de ne pas prendre cette molécule. Il a ensuite jeté un discrédit infondé sur les vaccins.

Les propos du président sont «dangereux» et truffés «de fausses informations», selon Arthur Caplan, professeur au NYU Langone Medical Center. (Isabelle Souriment/Hans Lucas. AFP)
Publié le 23/09/2025 à 7h30, mis à jour le 23/09/2025 à 7h33

Donald Trump a fortement déconseillé lundi le paracétamol aux femmes enceintes, l’associant à un risque d’autisme élevé pour les enfants en dépit d’avis contraires des médecins, avant de jeter un discrédit infondé sur les vaccins. «N’en prenez pas» et «n’en donnez pas à votre bébé», a insisté le président américain lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche dédiée à l’autisme, l’un de ses grands sujets de préoccupation. «Selon une rumeur - et j’ignore si c’est le cas — ils n’ont pas de paracétamol à Cuba car ils n’ont pas de quoi s’offrir de paracétamol. Eh bien ils n’ont quasiment pas d’autisme», a-t-il encore lancé.

C’est là sans doute la déclaration la plus stupéfiante faite par le président. Mais elle n’est pas la seule. «Prenez les Amish, par exemple. Ils n’ont pratiquement pas d’autisme», a-t-il insisté, en référence à une communauté américaine connue pour son train de vie extrêmement traditionnel, entre charrettes tirées par des chevaux et rejet de la technologie moderne. Se tournant vers son ministre de Santé, le très vaccinosceptique Robert Kennedy Jr., il a ajouté : «Bobby veut être très prudent dans ses propos. Je ne suis pas aussi prudent».

Présent dans le doliprane, le dafalgan ou encore le tylenol (aux Etats-Unis ou au Canada), le paracétamol, ou acétaminophène, est recommandé aux femmes enceintes contre la douleur ou la fièvre, d’autres médicaments comme l’aspirine ou l’ibuprofène étant eux contre-indiqués, notamment en fin de grossesse. Les propos du président, qui a appelé les Américaines à «tenir bon», sont «dangereux» et truffés «de fausses informations», condamne auprès de l’AFP Arthur Caplan, professeur au NYU Langone Medical Center. «J’ai peur que les femmes enceintes se sentent coupables d’avoir pris du paracétamol. Elles vont avoir l’impression d’avoir laissé tomber leur bébé», pointe-t-il.

«Être très prudent»

Pourtant, ce risque n’est pas établi, selon des experts. Si des études ont pointé une potentielle implication, d’autres ont au contraire écarté toute causalité. L’allégation est issue d’«une mauvaise analyse» des travaux déjà publiés, regrette ainsi auprès de l’AFP David Mandell, professeur en psychiatrie à l’université de Pennsylvanie.

L’un des obstacles rencontrés par les chercheurs vient de la difficulté de distinguer les effets du médicament des raisons pour lesquelles il est pris, explique ce spécialiste de l’autisme. «On sait que la fièvre […] peut augmenter le risque de retard et de troubles du développement neurologique», pointe-t-il. «Il faut donc être très prudent lorsqu’on essaie de déterminer lequel de ces deux facteurs est responsable de l’augmentation du risque d’autisme.»

Ce trouble, qui est complexe et au spectre large, est étudié depuis des décennies, mais l’administration Trump avait promis en début d’année de révéler en un temps record les causes de ce qu’elle qualifie d’«épidémie d’autisme». Si les cas d’autisme ont augmenté ces dernières décennies aux Etats-Unis, nombre de scientifiques rejettent l’existence d’une épidémie, mettant en exergue les améliorations des diagnostics.

Et concernant son origine, les scientifiques ont montré que la génétique jouait un rôle important. Certains facteurs environnementaux ont également été mis en avant, comme la neuro-inflammation ou la prise de certains médicaments comme l’anti-épileptique dépakine durant la grossesse.

«Questions des vaccins»

Mais pas les vaccins. Lundi, le président a pourtant longuement évoqué le sujet, appelant à modifier le calendrier vaccinal des enfants et assurant que les personnes qui ne se faisaient pas vacciner et ne prenaient pas de médicaments n’avaient pas d’autisme. «Nous examinons de près la question des vaccins», a abondé son ministre de la Santé Robert Kennedy Jr, en accusant la recherche sur le sujet d’avoir été «activement étouffée par le passé». Le ministre, qui relaye cette thèse infondée depuis des décennies, a entrepris depuis son arrivée au pouvoir une profonde refonte de la politique vaccinale américaine et a nommé à la tête des travaux sur l’autisme un chercheur discrédité et convaincu d’un tel lien.

Donald Trump a aussi plaidé pour changer le calendrier vaccinal des enfants : «L’hépatite B se transmet par voie sexuelle. Il n’y a aucune raison de vacciner contre l’hépatite B un bébé qui vient à peine de naître. Je dirais donc d’attendre que le bébé ait 12 ans et soit bien développé». La vaccination des nouveau-nés contre l’hépatite B est recommandée aux Etats-Unis en raison notamment de la possibilité d’une contamination par la mère. «Ils injectent tellement de choses à ces beaux petits bébés, c’est une honte», a-t-il déclaré. «On dirait qu’ils injectent un cheval».

L’annonce de lundi ne devrait ainsi être que la première d’une longue série, ont promis les responsables américains, qui ont par ailleurs débloqué des millions de dollars de financement pour cette recherche et autorisé la prise d’acide folinique contre certaines formes d’autisme. Bien que prometteuse selon de premiers résultats, cette piste nécessite davantage de recherche, et pourrait «susciter de faux espoirs alors qu’il n’existe pas de réponse simple», ont réagi lundi des dizaines de scientifiques américains spécialistes de l’autisme dans une lettre commune.