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Libération
Evincée

«Nous n’avons pas de véritable dirigeante, seulement de la frivolité» : Dina Boluarte, la présidente du Pérou, destituée par le Parlement

Une majorité d’élus péruviens a voté pour la chute de la cheffe de l’Etat impopulaire, dans la nuit de jeudi 9 au vendredi 10 octobre. La décision survient dans un contexte de crise sécuritaire et politique dans le pays.

Dina Boluarte, au palais du gouvernement à Lima, le 29 janvier. (Ernesto Benavides/AFP)
Publié le 10/10/2025 à 8h26, mis à jour le 10/10/2025 à 19h19

Alors qu’en France des voix s’élèvent pour le départ d’Emmanuel Macron, enfoncé dans une crise politique majeure, un scénario parallèle se produit de l’autre côté de l’Atlantique. La présidente péruvienne Dina Boluarte a été destituée dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 octobre par un vote majoritaire du Parlement. Dans l’attente des élections générales, prévues en avril 2026, le président du Parlement, José Jerí, va assumer la présidence par intérim.

La décision a été célébrée face au Parlement, par une nuée de drapeaux péruviens et de pancartes hostiles à la cheffe de l’Etat de 63 ans. Les principales forces politiques du Parlement péruvien avaient déposé jeudi cinq motions de destitution : elles invoquent une «incapacité morale permanente» de la présidente à exercer ses fonctions. L’examen de quatre d’entre elles a été approuvé dans la soirée à la majorité des voix. Dina Boluarte était convoquée en séance plénière à partir de 23 h 30 (heure locale, 6 h 30 à Paris), selon une résolution adoptée par le Parlement, mais ne s’y est pas présentée. Ce vendredi, le parquet a demandé d’interdire à l’ex-présidente de quitter le pays.

La responsable politique avait déjà fait l’objet de plusieurs tentatives de destitution, sans qu’aucune n’aboutisse jusqu’à présent. Mais les partis de droite et d’extrême droite l’ont finalement lâchée, et la procédure a abouti. Destituée, elle perd de fait son immunité et se retrouve exposée à d’éventuels procès, susceptibles de la conduire en prison.

Six présidents en neuf ans

Le Pérou traverse la pire période d’instabilité politique de son histoire moderne, avec six présidents en près de neuf ans. Dina Boluarte est arrivée au pouvoir en décembre 2022, après la destitution du président Pedro Castillo dans un contexte de manifestations violemment réprimées qui ont fait au moins 50 morts.

Elle connaît depuis une impopularité record. Son mandat a entre autres été entaché par plusieurs affaires : le scandale du «Rolexgate», soit des montres et bijoux de luxe qu’elle n’aurait pas déclarés, ou encore une rhinoplastie pratiquée en juillet 2023 gardée secrète alors que la loi l’obligeait à en informer le Parlement.

Dans le même temps, le pays est secoué par une vague d’extorsions et de meurtres attribués au crime organisé. Les manifestations contre le gouvernement se sont multipliées à Lima ces dernières semaines. Mercredi soir encore, un groupe de musique a été la cible de tirs dans la capitale : cinq personnes ont été blessées, dont quatre musiciens. Les autorités n’ont pas encore déterminé si l’attaque est liée au fléau de l’extorsion, mais le président de l’Association des artistes et entrepreneurs du Pérou a rapporté des «menaces» envoyées par des groupes criminels. «Les Péruviens vivent dans une peur constante […] et cela n’est pas une manœuvre politique, mais la conséquence du fait que nous n’avons pas de véritable dirigeante, seulement de la frivolité», a dénoncé la députée Norma Yarrow, du parti de droite Renovación Popular.

Mise à jour à 19 h 19 avec la demande du parquet d’interdire à Dina Boluarte de quitter le sol péruvien.