Menu
Libération
Reportage

«On a été obligés de se protéger nous-mêmes» : face aux cartels du Mexique, les villageois s’arment

Réservé aux abonnés

Par manque de confiance dans le gouvernement central, des groupes d’autodéfense ont été créés pour protéger les villages des narcotrafiquants. Dans l’Etat du Guerrero, les habitants, pour beaucoup indigènes, se relaient au sein de ces polices.

Le groupe de police communautaire du village de Totomixtlahuaca, dans l'Etat de Guerrero, au Mexique, le 23 août 2025. (Jeoffrey Guillemard/Libération)
ParDiego Calmard
envoyé spécial à Totomixtlahuaca (Mexique)
Publié le 23/09/2025 à 5h15

Sur la route qui plonge depuis les montagnes du Guerrero, les nuages cotonneux s’effacent, les conifères laissent la place aux caféiers avant qu’apparaissent les manguiers. A l’entrée des hameaux de maisonnettes en briques, une pancarte met en garde : «Ce village est géré par la Coordination régionale des autorités communautaires.»

Plus bas dans la vallée, six villageois défient les hautes herbes et scrutent les montagnes boisées alentour. Du vert à perte de vue mais le comandante Juancho porte tout d’un coup la mire de son fusil semi-automatique à son œil. Au loin sur la colline, un paysan suivi de son fils et d’un âne remonte la pente. Rien à signaler cependant. La ronde est terminée, le contingent peut regagner le village de Totomixtlahuaca. Habité par la communauté indigène me’phaa, le bourg est organisé autour de deux principaux bâtiments, une église toute blanche et un édifice imposant aux colonnes grecques face à la place centrale sur lequel on peut lire : «Commanderie de la police communautaire : celui qui ne vit pas pour servir ne sert pas pour vivre.»

Ici, c’est le sud du Guerrero, l’un des Etats les plus pauvres du pays, berceau de la guérilla mexicaine des années 1960 menée par les habitants et des syndicats agricoles harcelés et criminalisés par l’armée de Mexico, soutenue par la CIA dans sa volonté d’éteindre à l’époque tout mouvement socialiste ou communiste sur le continent.

La mémoire des près de 10 000 résistants morts et disparus pendant