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Reportage

«On finit par faire le travail de la justice» : au Mexique, plongée dans le combat des mères de disparus mis en lumière dans «Emilia Pérez»

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L’utilisation par Jacques Audiard de la crise des disparus divise les familles de victimes, qui se battent depuis des années pour tenter de retrouver leurs proches. Affaibli par les polémiques, le film est nominé 13 fois aux oscars, dont la cérémonie se déroule ce dimanche 2 mars.
Les milliers de disparues au Mexique laissent des familles torturées par le besoin de vérité. (Mahé Elipe/Libération)
par Diego Calmard, envoyé spécial à Ciudad Juárez (Mexique)
publié le 1er mars 2025 à 15h24

A l’origine, il y a ses parents. Sa mère, qui a remué ciel et terre, au sens propre comme au figuré, pour retrouver María de la Luz. Puis c’est sa sœur qui a pris les rênes : «Je pense que la douleur les a consumés, les a rendus malade et a fini par les tuer», soupire Esmeralda Cardona. Ils n’auront jamais su ce qui était arrivé à leur fille. «María était partie postuler à un job et n’est jamais revenue. La veille, elle avait vu une moto la suivre…» L’espoir de retrouver sa sœur disparue à Ciudad Juárez se lit à peine dans ses yeux clairs. Mais après quatorze ans à prospecter, la famille tente malgré tout d’y croire encore. «La maison n’est jamais vide, au cas où quelqu’un vienne donner un indice.»

Tel est le martyre des familles de disparus au Mexique, confrontées au même dilemme : continuer à chercher son être cher malgré l’absence de preuves de vie, ou bien faire le deuil sans corps ? A Juárez, ville-frontière léchée par le Río Bravo, des centaines de jeunes Mexicaines ont été enlevées depuis le milieu des années 1990, dont beaucoup d’employées des maquiladoras, ces usines qui utilisent une main-d’œuvre mexicaine bon marché pour exporter ensuite vers les Etats-Unis. Femmes, hommes, enfants : le Mexique compte aujourd’hui plus de 123 000 personnes disparues, victimes d’un conflit sanguinaire qui oppose les cartels de la drogue, les groupes criminels spécialisés dans la traite d’êtres humains ou l’extorsion, et les forces armées mexicaines.

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