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Libération
A la barre

Ouverture du procès de Jair Bolsonaro, accusé d’avoir tenté d’organiser un coup d’Etat fin 2022

Encourant quarante ans de prison, l’ex-président brésilien est également suspecté d’avoir été l’instigateur des émeutes du 8 janvier 2023. Plus de 80 personnes ont été appelées à témoigner.

L'ancien président brésilien Jair Bolsonaro salue la foule lors d'une marche en faveur de l'amnistie des personnes condamnées pour les émeutes du 8 janvier 2023, à Brasília, au Brésil, le 7 mai 2025. (Ueslei Marcelino/REUTERS)
Publié le 20/05/2025 à 11h48

Un moment historique. Le procès de Jair Bolsonaro a débuté lundi 19 mai, avec l’audition par la Cour suprême du Brésil de témoins clés. L’ex-chef d’Etat est accusé d’avoir tenté d’organiser un coup d’Etat, fin 2022. Jusqu’alors, jamais un président brésilien n’avait été poursuivi pour des faits de ce niveau de gravité.

Jair Bolsonaro, 70 ans, aurait préparé de longue date avec des proches collaborateurs un complot pour se maintenir au pouvoir quel que soit le résultat de la présidentielle d’octobre 2022, qu’il a finalement perdue face à Luiz Inácio Lula da Silva. S’il est déclaré coupable, l’ancien chef de l’Etat (2019-2022) encourt une peine cumulée pouvant avoisiner les quarante ans de prison.

Plus de 80 personnes ont été appelées à témoigner, par la défense ou l’accusation. Parmi elles, des militaires haut gradés, d’anciens ministres, des policiers ou des agents de services de renseignement. L’audition, en visioconférence, a été ouverte par Alexandre de Moraes, magistrat chargé du dossier, que Bolsonaro qualifie de «dictateur».

Jair Bolsonaro a lui-même participé à cette visio, vêtu d’un tee-shirt jaune, la couleur du maillot de l’équipe nationale brésilienne, arborée par ses sympathisants lors de manifestations. Il a toujours nié toute velléité putschiste, criant à la «persécution politique». La semaine dernière, il a comparé lors d’un entretien avec le site Uol les accusations du parquet à un «scénario de télénovela», ces feuilletons télévisés latino-américains aux rebondissements rocambolesques.

«Noyau crucial»

Le témoignage le plus attendu lundi était celui du général Marco Antônio Freire Gomes, commandant de l’armée de terre durant le mandat de l’ex-président. Il a confirmé avoir participé le 7 décembre 2022, entre la victoire de Lula et son investiture, à une réunion avec Bolsonaro lors de laquelle a été évoquée l’élaboration d’un décret d’«état de siège» pour réfuter le résultat de l’élection. «Je l’ai averti […] qu’il pourrait avoir de sérieux problèmes, avec des implications judiciaires», s’il prenait de telles mesures, a déclaré le général lors de son audition.

Le militaire nie toutefois avoir menacé de faire arrêter Bolsonaro, contrairement à la version de l’enquête policière. «Je vais donner au témoin une chance de dire la vérité», a réagi le juge Moraes face à cette apparente contradiction. L’ex-chef de l’armée sera jugé avec sept anciens collaborateurs accusés d’avoir fait partie du «noyau crucial» du complot présumé, dont quatre anciens ministres, un ancien commandant de la marine et le chef des services de renseignement durant la présidence Bolsonaro.

900 pages d’enquête

Un rapport de près de 900 pages de la police fédérale détaille le plan présumé, qui aurait prévu, entre autres, l’élaboration d’un décret d’état de siège, mais aussi l’assassinat de Lula. Le coup d’Etat n’a finalement pas eu lieu, faute de soutien de membres du haut commandement militaire, selon le parquet.

L’enquête se penche également sur les émeutes du 8 janvier 2023, quand des milliers de bolsonaristes ont envahi et saccagé les lieux de pouvoir à Brasília, une semaine après l’investiture de Lula. Bolsonaro se trouvait aux Etats-Unis ce jour-là, mais il est soupçonné d’avoir été l’instigateur des émeutes, qui étaient selon le parquet l’«ultime espoir» des supposés putschistes.

Les auditions de témoins qui ont débuté lundi «peuvent servir à identifier d’éventuelles contradictions entre les différents témoignages ou au sein d’un même témoignage», explique Rogério Taffarello, expert en droit pénal à la fondation Getúlio Vargas.

Après ces témoignages, le procès se poursuivra ces prochains mois avec les auditions des accusés, puis les réquisitions du parquet et les plaidoiries de la défense. L’étape finale sera le vote des cinq magistrats – dont le juge Moraes – de la première chambre de la Cour suprême, qui doivent décider s’ils condamnent ou non les accusés et, le cas échéant, fixer les peines.

Jair Bolsonaro a déclaré à Uol que toute condamnation serait «une peine de mort, physique et politique». Il espère encore faire annuler son inéligibilité pour participer à la présidentielle de 2026, où il pourrait de nouveau avoir Lula pour adversaire.