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«Paix totale» en Colombie : la guérilla de l’ELN gèle les négociations avec le gouvernement

En pleines négociations pour la paix entre groupes armés en Colombie, la guérilla de l’ELN a annoncé mardi 20 février dans la soirée le gel des pourparlers de paix et proclamé une «crise ouverte» avec le gouvernement, dénonçant des «violations» des règles convenues dans le cadre des négociations lancées en 2022.
Des personnes se rassemblent lors d'une manifestation contre les assassinats de signataires de la paix et de leaders sociaux sur la place Bolivar à Bogota, en Colombie, le 20 février 2024. (Sebastian Barros/AFP)
publié le 21 février 2024 à 14h41

Le processus pour «la paix totale» en Colombie est maintenant à l’arrêt. La guérilla de l’ELN (Armée de libération nationale) a annoncé le gel des pourparlers de paix. Se plaçant en «crise ouverte» avec le gouvernement de Gustavo Petro, le groupe rebelle dénonce des «violations» des règles convenues dans le cadre des négociations lancées en 2022 pour apaiser le pays.

«Sans que cela soit de notre responsabilité, les discussions entre l’ELN et le gouvernement national entrent dans une phase de gel, jusqu’à ce que le gouvernement soit disposé à respecter ses engagements», a précisé la guérilla guévariste dans un communiqué diffusé dans la nuit de 20 au 21 février. Elle accuse les autorités de Bogota de ne pas avoir respecté des règles convenues au démarrage, à Cuba, d’un nouveau cycle de négociation entre le président Gustavo Petro et les principaux groupes armés, dont les Farcs, opérant en Colombie.

Présente dans l’ouest sur la côte Pacifique de Colombie et dans le nord-est frontalier du Venezuela, l’ELN, dont les effectifs sont évalués à 5 800 combattants, défie l’Etat colombien depuis sa naissance en 1964 dans le sillon de la révolution cubaine mené par Che Guevara. Jusqu’à l’annonce du gel des pourparlers, l’ELN et le gouvernement colombien avaient pourtant réussi se mettre d’accord le 6 février dernier sur une prolongation du cessez-le-feu, afin d’accorder plus de temps aux négociateurs de paix des différents groupes armés.

Pour justifier le gel des pourparlers, la guérilla fustige notamment la mise en place d’un dialogue territorial avec le gouverneur du département de Nariño (dans le sud-ouest du pays), Luis Alfonso Escobar, en parallèle des négociations nationales en cours. «En rendant public un tel montage, déguisé en dialogue régional, le processus entre dans une crise ouverte et nous sommes obligés d’appeler à des consultations avec notre délégation de négociateurs», explique-t-elle dans son communiqué. Luis Alfonso Escobar avait pour sa part déclaré dimanche à la presse que les discussions dans sa région devaient commencer la première semaine de mars. Il s’était réjoui de cette «territorialisation de la paix».

Crainte d’une prolongation des conflits armés

Dans un communiqué publié en réponse aux accusations de l’ELN, la délégation gouvernementale pour la paix assure que «tous les engagements pris [ndlr : depuis le début du processus de paix] ont été pleinement respectés.» La délégation a rappelé que le gouvernement de Gustavo Petro tient «la paix dans les territoires» comme priorité absolue, justifiant ainsi ses dialogues avec les gouverneurs locaux qui «cherchent à protéger la population et mener des transformations sociales», en l’occurrence Luis Alfonso Escobar. Finalement, la délégation accuse l’ELN de prendre des «décisions unilatérales» qui «conduisent à générer des crises inutiles qui prolongent l’affrontement armé et la violence subie par les communautés».

La semaine dernière, l’ELN avait pourtant donné un gage de bonne volonté en suspendant une «grève armée» qu’elle imposait dans l’ouest de la Colombie pour y dénoncer la «complaisance de la force publique» avec des groupes paramilitaires. Jusqu’à la semaine dernière, l’ELN interdisait aux populations de se déplacer dans des zones sous son contrôle obligeant des milliers de paysans à rester cloîtrés chez eux.

Le négociateur gouvernemental et l’Eglise catholique, deux acteurs majeurs des négociations de paix, avaient alors accusé l’ELN de «déloyauté» en ne respectant pas les termes de la trêve, alors en vigueur depuis août. Le commissaire à la paix en charge des pourparlers pour le gouvernement avait lui mis en doute la volonté de dialogue de l’ELN et de l’Etat-major central (EMC), principale dissidence de l’ancienne guérilla marxiste des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) qui a signé un accord de paix historique en 2016.