De nouvelles excuses et puis s’en va. Le pape François a terminé vendredi 29 juillet son «pélerinage pénitentiel» de six jours au Canada comme il l’avait commencé, en présentant des excuses historiques pour le mal fait par l’Eglise aux autochtones du pays, exprimant de nouveau son «indignation et sa honte» devant des Inuits, dans l’Arctique.
De l’ouest du Canada au Québec et enfin dans le Grand Nord du pays, à Iqaluit, capitale de 7 000 habitants du territoire du Nuvanut, le souverain pontife, malgré une santé précaire, a pu aller à la rencontre de nombreux Amérindiens canadiens qui attendaient ces excuses depuis plusieurs décennies.
«L’hiver est descendu sur tout»
Pour son dernier jour sur place, le chef d’Etat argentin a de nouveau reconnu les «grandes souffrances» infligées aux familles dont les enfants avaient, entre la fin du XIXe siècle et les années 1990, été placés dans des pensionnats catholiques dans le seul but de «tuer l’indien dans le cœur de l’enfant». «Les familles ont été désagrégées, les enfants emportés, loin de leur milieu; l’hiver est descendu sur tout», a-t-il déploré devant la foule réunie entre l’école et le terrain de basket d’Iqaluit, à quelques mètres des falaises et de la mer. Il s’était auparavant entretenu avec d’anciens résidents de ces pensionnats autochtones.
Dans l’avion du retour, François utilisera même le terme «génocide»: «Enlever les enfants, changer la culture, changer la mentalité, changer les traditions, changer une race, disons le comme ça, toute une culture», précise-t-il. Et d’enfoncer : «Oui, génocide, c’est un mot technique. Je ne l’ai pas utilisé parce qu’il ne m’est pas venu en tête. Mais j’ai décrit ce qui, c’est vrai, est un génocide.»
Pendant près d’un siècle, 150 000 Inuits, métis ou membres des Premières nations avaient été enrôlés de force dans plus de 130 pensionnats autochtones. Ils y avaient été coupés de leur langue, de leur famille, de leur culture. Victimes de maltraitances physiques, morales et d’abus sexuels pour nombre d’entre eux, plusieurs milliers n’en reviendront pas, tombant sous les coups de la maladie, la malnutrition ou la négligence. En juin 2021 encore, des centaines de tombes avaient été découvertes dans la province du Saskatchewan. Des atrocités pour lesquelles l’Eglise catholique canadienne s’était engagée à verser 30 millions de dollars canadiens d’indemnités.
Des excuses «incomplètes»
Si les excuses du souverain pontife ont été accueillies positivement par la plupart des suiveurs de sa visite, certains restaient frustrés par des excuses qualifiées d’«incomplètes». Kilikvak Kabloona, présidente de l’organisation Nunavut Tunngavik qui représente les Inuits du Nunavut, a ainsi regretté que François n’ait pas abordé la question des abus sexuels subis par les autochtones. Et notamment le cas du prêtre français Johannes Rivoire, objet d’un mandat d’arrêt de la part de la justice canadienne après des accusations d’agressions sexuelles sur de jeunes mineurs lors de ces trois décennies passées au Canada, mais installé à Lyon depuis 1993.
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Outre ces questions qui suivent l’Eglise catholique partout où elle s’est installée, des représentants inuits ont également demandé la restitution d’objets d’arts autochtones conservés au Vatican et l’ouverture des archives des pensionnats. Plus symboliquement, enfin, d’autres ont réclamé l’abrogation de la «doctrine de la découverte», nom donné à une série d’édits papaux du XVe siècle autorisant les puissances européennes à coloniser les terres et les peuples non chrétiens.
Un dernier sujet sur lequel François, toujours dans l’avion du retour, s’est prononcé négativement : «Cette mentalité selon laquelle nous sommes supérieurs et les indigènes ne comptent pas est grave. Pour cela, nous devons travailler dans ce sens. Revenir en arrière et assainir tout ce qui a été mal fait, mais en ayant conscience qu’aujourd’hui aussi, il existe le même colonialisme.»
Mise à jour avec l’ajout des propos du pape dans l’avion du retour au Vatican.