Nicholas Norman a réussi à sauver sa maison lui-même, à coups de seaux d’eau contre des flammes de trois mètres de haut. Mais désormais, cet habitant de la banlieue de Los Angeles lutte contre un autre danger : les pillages.
Dans son quartier ravagé par les flammes, il a croisé deux hommes vers trois heures du matin dans la nuit de mercredi 8 à jeudi 9 janvier. «Ils testaient les portes et regardaient par les fenêtres» à la recherche des maisons épargnées par le feu, raconte cet habitant d’Altadena à l’AFP. Ce professeur de littérature a été prévenu par un ami policier que des pillards avaient été arrêtés quelques heures avant, à quelques rues d’ici. Aussitôt, Nicholas Norman a endossé le costume de justicier du quartier. «J’ai fait le truc américain classique : je suis allé chercher mon fusil, je me suis assis dehors et j’ai allumé une lumière pour qu’ils sachent qu’il y avait des gens», raconte ce frêle quadragénaire, caché derrière son masque. Un épisode qui lui rappelle les émeutes de 1992 à Los Angeles, après la mort de l’Afro-Américain Rodney King lors d’une interpellation. A l’époque, il était à l’école primaire et avait passé la nuit avec son père devant leur porte, «pendant que les rues brûlaient et que les gens tiraient partout».
Des maisons barricadées avec des planches
Cette ville de 42 000 habitants a été martyrisée par les incendies des derniers jours : le «Eaton Fire» a déjà fait cinq morts dans la zone, soit la moitié des dix victimes recensées dans tout Los Angeles. Et pour les rescapés qui ont échappé au pire, les pillages résonnent désormais comme une insulte à leur dignité. «Il y a le vol, mais c’est rendu encore pire par la lâcheté», s’insurge Nicholas Norman. Au moins 20 personnes ont été arrêtées pour des vols dans la région californienne depuis que les premiers feux se sont déclarés mardi 7 janvier, selon la police.
«Je n’ai pas sauvé cette foutue maison pour qu’un idiot vienne me voler. Il n’y a pas moyen», grogne-t-il, en avouant ne pas posséder beaucoup d’objets de valeur et ne jamais fermer sa voiture à clé. Cette nuit, il sera de nouveau sur son porche, et fera quelques rondes pour surveiller les maisons épargnées par le feu dans sa rue. Par principe.
Récit
L’un de ses voisins, Chris, a passé la journée à barricader sa maison avec des planches, pour empêcher toute intrusion. «C’est assez triste», soupire cet architecte, qui ne souhaite pas donner son nom complet. «Nous sommes en train d’organiser la surveillance dans le quartier, tout ça parce que des crétins s’attaquent à des victimes déjà soumises à toute cette folie». «Ça craint vraiment, je préférerais passer mon temps à aider mes voisins», poursuit-il, en désignant les ruines de l’autre côté de la rue, où certaines arrivées de gaz brûlent encore et menacent une reprise d’incendie.
Déploiement de la garde nationale
A son retour dans sa maison orangée jeudi matin, qu’il vient de passer un an à rénover, le cadenas sur son portail avait été forcé. Personne n’a réussi à rentrer, mais «c’est une preuve évidente que quelqu’un était ici au milieu de la nuit», déplore Chris. Dans les prochains jours, il prévoit de lui aussi prendre sa part des rondes nocturnes. Avec une arme ? «Pas de commentaire», sourit-il.
Décryptage
Face aux opportunistes, les autorités promettent la plus grande sévérité. Les militaires de la Garde nationale vont être déployés dans le quartier, a annoncé jeudi 9 janvier le gouverneur de Californie, Gavin Newsom. «Soyons clairs : les pillages ne seront pas tolérés», a martelé ce dernier. «Ces actes sont méprisables, et nous les poursuivrons en leur infligeant la plus grande peine possible», a assuré de son côté le procureur du comté de Los Angeles, Nathan Hochman. Le shérif a également promis de renforcer les patrouilles.
Mais pour Chris et ses voisins, l’action des policiers ne saurait suffire. Son simple retour chez lui, qui l’a obligé à déjouer les cordons de sécurité en douce, démontre les limites des hommes en uniforme. «Si j’ai réussi à passer les barrages, les voleurs professionnels n’auront aucun mal à le faire aussi.»