Cela pourrait marquer un tournant de la guerre en Ukraine, et c’est surtout un investissement majeur des Etats-Unis à l’étranger. Lundi, la Chambre des représentants américaine a voté à 368 voix contre 57 un programme d’aide et humanitaire de 40 milliards de dollars (38 milliards d’euros) au pays qui subit depuis soixante-dix-sept jours l’offensive russe. L’équivalent du PIB du Cameroun en 2020. Et ce, quelques semaines après avoir déjà approuvé une aide d’urgence de 13,6 milliards de dollars pour l’effort de guerre. Un montant total de 53 milliards de dollars donc, en passe de devenir le plan de soutien à un pays étranger le plus important depuis vingt ans. A titre de comparaison, en 2021, le budget des Etats-Unis en matière d’aide et d’assistance à l’étranger, au total, s’élevait à 41 milliards de dollars.
Un programme voté à la quasi-unanimité
L’escalade de violence, les 7061 victimes civiles selon les observateurs des Nations unies, les images morbides, les témoignages ahurissants qui émergent du conflit depuis plusieurs semaines, ont conduit le président des Etats-Unis Joe Biden à multiplier les appels au Congrès pour financer l’effort de guerre ukrainien. 33 milliards de dollars ont été demandés par son administration.
Juste avant le vote, la présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, s’est adressée aux députés dans une lettre : «Le temps est essentiel et nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre. Avec ce programme d’aide, l’Amérique envoie un message retentissant au monde entier, sur notre détermination inébranlable à nous tenir aux côtés du courageux peuple ukrainien jusqu’à ce que la victoire soit emportée.» Nancy Pelosi s’est rendue en Ukraine au début du mois, avec une délégation de parlementaires démocrates, et s’est longuement entretenue avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au sujet de l’aide américaine.
Au cours du débat à la Chambre, les républicains ont insisté pour ajouter de l’argent à l’assistance militaire, tandis que les démocrates ont plaidé pour que ce montant soit égal à celui de l’aide humanitaire. Dans le détail, les 40 milliards de dollars incluent 6 milliards pour l’armement, le soutien au renseignement, la formation et d’autres aides à la défense aux forces ukrainiennes ; 8,7 milliards pour réapprovisionner les équipements américains déjà envoyés dans le pays ; 3,9 milliards pour les opérations du Commandement européen (notamment en matière de renseignement) ; 9 milliards sont prévus pour assurer la continuité des institutions démocratiques ukrainiennes ; 4,4 milliards consacrés à l’aide alimentaire d’urgence en Ukraine et dans le reste du monde, en prévision des difficultés d’approvisionnement et de distribution de nourriture ; enfin, 900 millions de dollars sont alloués à l’aide aux réfugiés. En outre, ce plan permettrait à Joe Biden d’autoriser rapidement le transfert de 11 milliards de dollars d’équipements, d’armes et de fournitures de défense. Ce plan doit être ensuite validé par le Sénat. Seuls des députés républicains se sont prononcés contre.
L’approbation de ce programme intervient alors que Républicains et Démocrates ne parviennent pas à s’entendre sur des budgets nationaux tels que l’extension du crédit d’impôt ou des mesures visant à contrôler la propagation du Covid-19. L’un des arguments avancés par les défenseurs du plan est que le conflit pourrait être plus coûteux sur le long terme, si les forces et la population ukrainiennes ne bénéficient pas d’une aide d’urgence et immédiate.
La situation s’aggrave sur le terrain
Est-ce l’avancée sur le terrain des troupes russes qui a aussi achevé de convaincre les représentants de la Chambre ? Mardi, au lendemain de frappes russes sur la ville d’Odessa, la cheffe des services de renseignement américain, Avril Haines, affirmait que Vladimir Poutine comptait bien ne pas s’arrêter au Donbass. Elle a aussi déclaré que le retrait de l’armée russe dans l’Est et le sud du pays témoigne d’un changement temporaire de stratégie, après avoir échoué à s’emparer rapidement de Kyiv, «pour reprendre l’initiative» ensuite.
Elle s’est également exprimée à la Chambre : «Les points les plus probables d’une escalade dans les semaines à venir sont les tentatives accrues de la Russie d’interdire l’aide occidentale à la sécurité, les représailles aux sanctions économiques occidentales ou les menaces contre le régime en place», avant d’indiquer que le président russe table très probablement sur «un affaiblissement de la détermination des Etats-Unis et de l’Union européenne lorsque les pénuries de biens alimentaires et la hausse des prix de l’énergie vont s’aggraver». Selon elle, le Kremlin pourrait même organiser des exercices nucléaires ou agiter le spectre d’une attaque dans le but de dissuader les Etats-Unis et l’Otan de renforcer leur soutien à Kyiv.