Les élections américaines ne servent pas uniquement à désigner le président des Etats-Unis. Questions référendaires, d’initiative populaire ou bien émanant de législatures locales… Les électeurs de 41 Etats étaient appelés ce mardi 5 novembre à se prononcer autour de 160 mesures électorales, sur des sujets allant du droit à l’avortement au salaire minimum en passant par la légalisation du cannabis ou les procédures d’accès au vote. Quelles sont celles qui ont reçu l’aval ou non des électeurs ? Libération passe en revue les différents référendums.
Les défenseurs du droit à l’avortement gagnent dans six Etats
Depuis la révocation en juin 2022 de l’arrêt Roe versus Wade et du droit constitutionnel à l’avortement, le sujet était devenu l’un des thèmes phares de la campagne de Kamala Harris. En Floride, dans le Nevada ou encore en Arizona, les électeurs de dix Etats étaient appelés à se prononcer sur des mesures permettant de lever certaines restrictions à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Une mesure visant à maintenir l’accès à l’avortement était également à l’ordre du jour dans le Montana et le scrutin n’a pas encore été annoncé.
L’IVG consolidée dans l’Etat de New York, le Maryland, le Colorado, et le Nevada
Dans l’Etat de New York, les électeurs votaient pour étendre l’interdiction des discriminations liées à l’avortement et à l’identité de genre. La mesure, qui visait à établir que les personnes ne peuvent se voir refuser des droits en raison de leur «appartenance ethnique, origine nationale, âge et handicap» ou de «leur sexe, y compris leur orientation sexuelle, leur identité de genre, leur expression de genre, leur grossesse, l’issue de leur grossesse, leurs soins de santé reproductive et leur autonomie», a recueilli 74,3 % des votes.
Dans le Maryland, le texte qui visait à établir un droit à la liberté de procréation, défini comme incluant «la capacité de prendre et d’appliquer des décisions pour prévenir, poursuivre ou mettre fin à sa propre grossesse» a été adopté avec 75,8 % des voix.
Dans le Colorado, les électeurs ont approuvé à 61 % un amendement à la Constitution de l’Etat garantissant la protection de l’avortement. La mesure abroge l’interdiction du financement de l’avortement par l’Etat et les collectivités locales et permet à Medicaid, ainsi qu’à d’autres programmes publics d’assurance maladie, de couvrir la procédure. L’avortement est déjà légal au Colorado à tous les stades de la grossesse.
Dans le Nevada, les électeurs ont eux aussi voté en faveur d’un amendement à la Constitution afin de protéger le droit à l’avortement jusqu’à la viabilité, ou après la viabilité dans les cas où la santé ou la vie d’une patiente peut être menacée. Les électeurs doivent également approuver la question du référendum en 2026 afin de modifier la Constitution de l’État.
L’Arizona et le Missouri veulent élargir le droit à l’avortement
Les habitants de l’Arizona ont approuvé une mesure de vote qui établirait un droit fondamental à l’avortement et interdirait à l’État de restreindre ou d’interdire l’avortement avant 24 semaines, avec des exceptions après cette date si un professionnel de la santé décide que cela est nécessaire pour «protéger la vie ou la santé physique ou mentale de la personne enceinte». Dans l’Arizona, l’avortement est actuellement interdit après 15 semaines. Dans le Missouri, les électeurs ont décidé d’annuler l’interdiction quasi-totale de l’avortement et d’établir une garantie constitutionnelle du «droit fondamental à la liberté reproductive», y compris les soins d’avortement jusqu’à la viabilité du fœtus.
En Floride, au Nebraska et au Dakota du Sud, l’amendement rejeté
Les électeurs de Floride ont décidé de rejeter l’amendement autour du droit à l’avortement. La proposition de loi nécessitait au moins 60 % des voix pour être adoptée, elle n’en a récolté que 57 %. Elle prévoyait de modifier la Constitution de l’Etat afin d’accorder un droit à l’avortement avant la viabilité du fœtus ou lorsque cela est «nécessaire pour protéger la santé de la patiente, tel que déterminé par le prestataire de soins de santé de la patiente». Depuis mai, le Sunshine State interdit l’IVG après la sixième semaine de grossesse. En octobre, Donald Trump, résident de Floride, avait déclaré qu’il voterait contre cette mesure. Une prise de position suivie par un témoignage de son épouse Melania Trump issue de ses mémoires. L’ancienne première dame des Etats-Unis y défend ardemment le droit à l’avortement et celui des femmes à disposer de leur corps.
Les électeurs du Dakota du Sud ont eux aussi rejeté une proposition visant à ajouter des protections pour le droit à l’avortement à la constitution de l’État. Celles-ci auraient autorisé la mère à mettre fin à sa grossesse au cours du premier trimestre, tout en permettant à l’Etat de réglementer la procédure plus tard au cours de la grossesse. Les groupes anti-avortement ont qualifié cette proposition de «trop extrême». Le résultat préserve une loi de l’État qui fait de l’avortement un crime sauf pour sauver la vie de la mère.
Au Nebraska, seul Etat à avoir deux initiatives concurrentes, les habitants ont soutenu une mesure qui inscrit l’interdiction actuelle de l’avortement après la 12e semaine de grossesse dans la constitution de l’État, et ont rejeté une mesure concurrente qui cherchait à étendre le droit à l’avortement.
Le cannabis récréatif s’invite dans la campagne
Alors que Kamala Harris avait plusieurs fois assuré que si elle était élue à la présidence des Etats-Unis, son administration légaliserait la consommation de cannabis récréatif, plusieurs Etats étaient amenés à se prononcer sur l’usage adulte de la plante. Ces référendums intervenaient dans un contexte favorable à la substance : la Drug Enforcement Administration, l’agence fédérale en charge des stupéfiants, a annoncé en avril qu’elle comptait faire passer la plante de l’annexe 1 à l’annexe 3 de son tableau des drogues, selon Associated Press. Un tournant après des décennies de guerre au cannabis. Selon AP, ce projet de reclassement reconnaîtrait les utilisations médicales du cannabis en statuant que cette substance présenterait moins de risques d’abus que certaines des drogues les plus dangereuses du pays, telles que le Fentanyl ou encore la Xylazine.
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Pas de fumée verte en Floride
Mais la tentative de légaliser l’usage récréatif de la marijuana en Floride a échoué dans les urnes. Malgré des soutiens allant du Parti démocrate local à Donald Trump, l’amendement 3, qui aurait légalisé l’usage récréatif et la production dans l’Etat, n’a pas obtenu le soutien de 60 % des électeurs nécessaire pour faire passer un amendement constitutionnel.
«Il y en aurait partout. L’Etat en aurait l’odeur. Nous n’avons pas besoin de cela en Floride», avait martelé le gouverneur Ron DeSantis. Trump, pour sa part, a soutenu publiquement la mesure. Lui-même électeur de Floride, il avait précisé en septembre que l’industrie naissante devait faire l’objet d’une «réglementation intelligente». Avant d’ajouter : «En tant que Floridien, je voterai OUI à l’amendement 3 en novembre».
Cette campagne autour de la légalisation du cannabis était de loin la plus coûteuse des quelque 160 mesures proposées aux Etats cette année. Selon l’organisation de suivi des élections Ballotpedia, cette initiative a attiré des dizaines de millions de dollars de contributions provenant principalement de sympathisants : environ 75 millions de dollars ont été injectés en faveur du «oui».
Des projets de modification du processus électoral
Des dizaines de consultations proposées par le Parti républicain ont mis l’accent sur l’immigration et notamment l’intégrité du processus électoral. A de nombreuses reprises, les partisans du candidat Trump ont pointé de supposés votes effectués par des non-citoyens ou des immigrés «illégaux» qui feraient pencher le vote en faveur des démocrates. Le 29 septembre, dans un message posté sur X, Elon Musk avait affirmé, sans apporter aucune preuve, que «l’administration Biden /Harris a fait venir par avion des «demandeurs d’asile» qui bénéficient d’une voie rapide vers la citoyenneté, directement dans des Etats-pivots comme la Pennsylvanie, l’Ohio, le Wisconsin et l’Arizona».
Les Assemblées législatives de huit Etats républicains (Idaho, Iowa, Kentucky, Missouri, Caroline du Nord, Oklahoma, Caroline du Sud, Wisconsin) ont donc soumis au vote des amendements constitutionnels visant à interdire à l’Etat ou aux gouvernements locaux d’autoriser le vote des non-citoyens.
Dans l’Iowa, en Caroline du Nord ou encore dans le Kentucky, seul un citoyen des Etats-Unis pourra voter (aux prochaines élections).
La mesure qui exige la citoyenneté américaine pour voter a été adoptée dans l’Iowa. Le texte prévoit donc de modifier la Constitution pour que la mention «tout citoyen» peut voter soit remplacée par la mention «seul un citoyen» peut voter. L’amendement a été adopté avec 75,5 % des voix et le texte permet également aux jeunes de 17 ans de participer aux élections primaires s’ils auront 18 ans lors des élections générales.
Dans le Kentucky, l’amendement 1, qui nécessite l’obligation de la citoyenneté américaine pour voter dans l’Etat, est passé avec 62,4 % des votes. L’amendement, qui prévoit d’inscrire dans la Constitution locale que seul un citoyen des Etats-Unis peut voter, a été respectivement validé avec 77,5 % des voix pour la Caroline du Nord et 81,2 % pour l’Oklahoma. La Caroline du Sud a adopté une modification de sa Constitution, stipulant ainsi que seul un citoyen américain peut glisser son bulletin dans l’urne.
Dans le Wisconsin, la mesure stipulant que seuls les citoyens américains âgés de 18 ans ou plus peuvent voter aux élections fédérales, étatiques, locales ou scolaires a été adoptée.