La victoire a cent pères, mais la défaite est toujours orpheline, dit le dicton politique attribué à John Kennedy. La déroute de la candidate démocrate face à Donald Trump n’est pas différente, et les commentateurs pointaient dès ce matin du mercredi 6 novembre de multiples raisons et de multiples coupables. Voici les noms qui reviennent le plus dans les analyses de Libération et dans celles de nos confrères outre-Atlantique.
Elon Musk
L’homme le plus riche du monde s’est jeté corps et âme dans la bataille pour son poulain, mobilisant pleinement son réseau social devenu caisse de résonance masculiniste, complotiste et ouvertement raciste, offrant (illégalement) des millions de dollars par (fausse) tombola aux électeurs, et prenant la parole contre Kamala Harris à un rythme effréné.
Joe Biden
Le président des Etats-Unis s’est gracieusement retiré de la course le 21 juillet pour mieux aider les démocrates, mais c’était déjà trop tard, avancent nombre de cadres démocrates. En cause, l’économie américaine sous Biden, principale thématique de Donald Trump pendant toute la campagne. Alors que les chiffres sont pourtant excellents en termes macroéconomiques, les retraités ont souffert de l’inflation sous Biden tandis que les jeunes recevaient en pleine poire les effets négatifs de la baisse de la croissance. Face aux propositions simplistes de Trump – protectionnisme, baisse des impôts et arrêt de l’immigration sauvage –, Harris a eu trop peu de temps pour faire entendre ses alternatives. L’analyse du Financial Times.
Andy Montgomery
Ce jeune noir de Caroline du Nord a voté pour Donald Trump, comme il nous l’avait promis, et il n’est pas le seul. Le candidat républicain, ouvertement raciste, a reçu beaucoup plus de votes que prévu dans les Etats à forte population noire et latino, et les sondages de sortie des urnes, même partiels, pointent la progression impressionnante du candidat républicain chez les hommes noirs, particulièrement les jeunes. Le pari de Harris sur les femmes, et certainement sur les femmes noires, n’a pas porté ses fruits, comme elles ont voté pour elle dans les mêmes proportions que leur vote pour Biden il y a quatre ans. Trump en revanche, progresse de plus de 10 % chez les jeunes hommes noirs, surtout grâce à des primo votants. Dans toutes les catégories d’âge, Trump a progressé de 6 % chez les noirs et de 10% chez les latinos, tandis que Harris fait 3 % de moins que Biden en 2020. Dans les zones de vote à forte population noire et hispanique, Trump «a fait le pari de les faire sortir de leurs jeux vidéo pour voter, et il a réussi», analyse Ruth Marcus dans le Washington Post et de Jacey Fortin dans le New York Times.
Volodymyr Zelensky
Un Américain sur deux pensait à la veille des élections que son pays «donne trop d’argent à des pays étrangers en guerre», visant à parts égales Israël et l’Ukraine. Mais sur l’Ukraine, Trump était beaucoup plus clair et son message résonnait bien plus que celui de Harris. En fait, même dans l’importante communauté ukrainienne de Pennsylvanie, Trump est perçu comme le candidat qui pourrait le mieux mettre fin à la guerre. «Je pense que les Ukrainiens qui soutiennent le président Trump voient en lui l’homme fort qui, en fin de compte, malgré ses particularités, serait capable d’affronter Poutine – l’homme d’affaires qui pourrait conclure l’accord», expliquait par exemple Eugene Luciw, le président du Congrès ukrainien de l’Etat, dans une analyse du Washington Post.
Benyamin Nétanyahou
La guerre à Gaza a profondément divisé le Parti démocrate, et nombre de ses électeurs dans les communautés musulmanes se disaient prêts à boycotter le vote pour protester contre le soutien trop inconditionnel de Joe Biden à Israël. Si Harris était nettement plus mesurée, ses hésitations ont largement profité à Trump, qui a engrangé de nombreux soutiens musulmans, sans avoir à expliquer les contradictions de ses positions, entre «amitié profonde» avec Nétanyahou et appel aux Israéliens de «finir cette guerre rapidement».
Toutes ces analyses ne sauraient faire oublier le sixième homme qui a fait tomber Harris, Donald Trump lui-même, bête politique que beaucoup avaient enterrée bien trop vite.