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Et ainsi, «Tay-Tay» a parlé. Depuis le lancement de la campagne présidentielle américaine, le suspense planait autour de Taylor Swift. Pas tant sur le choix de vote de la superstar de la pop, qui s’est déjà exprimée à plusieurs reprises en faveur de candidats démocrates par le passé. Mais sur le moment qu’elle choisirait pour dévoiler officiellement sa préférence. Ce mercredi 11 septembre, la trentenaire adepte de justaucorps à paillettes a dévoilé son choix : elle glissera bien dans l’urne un bulletin Kamala Harris.

L’annonce a retenti avec un timing parfait : la fin du premier débat télévisé opposant la vice-présidente de Joe Biden à Donald Trump. Alors que les micros refroidissaient encore, l’interprète de Shake It Off y est allée de son post Instagram. Trois paragraphes prudents, aux virgules soupesées et aux écrasants 8 millions de likes (mercredi après-midi). «Je vote pour Kamala Harris parce qu’elle se bat pour les droits et les causes qui, selon moi, ont besoin d’une guerrière pour les défendre, justifie-t-elle. Je pense qu’elle est une dirigeante stable et douée et je crois que nous pouvons accomplir beaucoup plus dans ce pays si nous sommes dirigés par le calme et non par le chaos.»

A coup sûr, du côté des équipes de la campagne démocrate, les coupes de champagne ont dû s’entrechoquer. Depuis des mois, et plus que pour n’importe quel autre artiste, l’attention des deux camps politiques est portée sur la chanteuse aux plus de 280 millions d’abonnés. Entre sa tournée XXL «The Eras Tour», qui a engrangé plus d’un milliard de dollars de recettes, et ses 100 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify, certains analystes prédisent que Taylor Swift et sa communauté de jeunes «Swifties» pourraient influencer le cours des élections. Un impact difficile à quantifier, mais que Donald Trump lui-même a parfois tenté de contrer. En trichant légèrement.

Au cours du mois d’août, l’ex-président a relayé sur sa plateforme Truth Social de fausses images de la chanteuse laissant croire qu’elle soutenait sa candidature. L’ultraconservateur à la fake news facile se serait-il tiré une balle dans le pied ? Sur Instagram, Taylor Swift précise désormais avoir rendu son vote public après avoir vu ses craintes «concernant l’IA et les dangers de la diffusion de fausses informations» confirmées par ces publications. «Le moyen le plus simple de lutter contre la désinformation est de dire la vérité», estime-t-elle. Suffisant pour faire bouder Trump : «Je n’étais pas un fan de Taylor Swift […]. Elle semble toujours soutenir un démocrate, et elle en paiera probablement le prix sur le marché» des ventes musicales, a-t-il réagi mercredi. A mi-chemin entre la menace et les larmoiements.

Si les mensonges du milliardaire à cravate rouge ont poussé Taylor Swift à parler, ils ne l’ont cependant pas franchement amenée à attaquer frontalement les trumpistes. Dans son communiqué, accompagné d’une photo d’elle et de son matou «Benjamin Button», la chanteuse au rouge à lèvres clinquant ne se révèle piquante qu’à un seul passage. Sa signature : «vieille fille à chat». Le pied de nez ici fait référence à une déclaration misogyne du colistier du candidat républicain, J.D. Vance, visant les femmes sans enfant. Un petit tacle suffisant pour amener le milliardaire Elon Musk à dégainer un tweet aussi sexiste que ridicule : «Très bien Taylor… tu as gagné… Je te ferai un enfant et je protégerai tes chats au péril de ma vie», écrit le grand patron sur son réseau social X (ex-Twitter).

Surtout, à aucun moment dans sa publication, l’idole n’appelle ses fans à opter pour le même bulletin de vote qu’elle. L’artiste se contente plutôt d’inciter ses admirateurs à aller voter. «C’est à vous de faire vos recherches et c’est à vous de faire votre choix.» Un message innocent et parfaitement neutre ? Pas si sûr. En 2023, à la suite d’un appel similaire de la trentenaire, le site vote.org enregistrait plus de 35 000 nouvelles inscriptions en vingt-quatre heures, soit un bond de 23 % par rapport à la même journée un an plus tôt.

Un raz de marée qui pourrait tout à fait bénéficier à Kamala Harris s’il se reproduit. En déplaçant les foules, la vedette pourrait en effet amener aux urnes un jeune électorat abstentionniste que les démocrates peinent à faire voter. Tout en renforçant l’engagement dans la campagne de ses «Swifties» déjà convaincus. En août, avant même que la star ne s’exprime, certains d’entre eux parvenaient ainsi à récolter près de 140 000 dollars en faveur de Kamala Harris, rapporte le Guardian.

En dépit de ses propos ultralissés, la musicienne se retrouve ainsi projetée sur le devant de la scène politique. Elle qui l’a pourtant fuie pendant des années en gardant son bulletin de vote secret. Entre ses débuts en santiags dans la country, ses chansons d’amour et son image de petite fille de l’Amérique, il était en effet difficile pour l’artiste de s’exprimer… sans froisser une partie plus conservatrice de ses fans. Ainsi, en 2016, lors du duel Trump-Clinton, Tay-Tay évitait soigneusement le sujet. Ce n’est qu’en 2018, alors qu’elle versait depuis plusieurs années dans une pop (un petit peu) moins sage, qu’elle a levé le voile en apportant son soutien aux démocrates lors des élections sénatoriales du Tennessee. Et derechef, en 2020, où elle s’est prononcée en faveur de Joe Biden.

Ce qui l’a motivée alors à s’engager ? La décision de la Cour suprême américaine, à majorité conservatrice, d’abroger l’arrêt Roe vs Wade et d’annuler ainsi la garantie du droit à l’avortement au niveau fédéral. Ainsi que la défense des droits LGBT+, qu’elle aborde dans certaines de ses chansons. Des motifs que Taylor Swift met ce mercredi de nouveau en avant, en saluant le choix du colistier de Kamala Harris : Tim Walz, l’un des premiers partisans du mariage homosexuel et défenseur de la fécondation in vitro. Ce dernier, d’ailleurs, n’a pas tardé à remercier la musicienne sur MSNBC : «Je suis extrêmement reconnaissant envers Taylor Swift. C’est le type d’acte courageux dont les Etats-Unis ont besoin.» De quoi donner des airs de superwoman à l’ancienne «petite fille de l’Amérique» au cœur fragile.