Menu
Libération
Présidentielle J-5

Election au Brésil : la foire aux bobards

Élection présidentielle brésilienne 2022dossier
Avant le second tour du 30 octobre, le tribunal électoral cherche à limiter la propagation de fausses nouvelles et diffamations sur les réseaux sociaux. Un exercice pratiqué davantage par les partisans de Bolsonaro que par les soutiens de Lula.
Les fausses informations, accompagnées de documents truqués ou mal interprétés, peuvent cumuler des millions de répliques quand elles circulent de groupe en groupe. (Eraldo Peres/AP)
publié le 25 octobre 2022 à 18h36

Contre la prolifération de fausses informations déversées au fil des réseaux sociaux tout au long de la campagne, le tribunal supérieur électoral du Brésil (TSE) s’est érigé en rempart. Sa dernière décision dans ce domaine remonte à jeudi, et lui permet d’éliminer très rapidement des contenus fantaisistes, haineux ou diffamatoires. A sa demande, les plateformes doivent supprimer dans les deux heures toute publication irrégulière, sous peine d’une amende comprise entre 100 000 et 150 000 reais (de 19 000 à 28 000 euros) par heure de dépassement. Des partisans de Jair Bolsonaro ont qualifié les décisions du TSE de «censure» et d’entrave à la liberté d’expression.

«Lula va fermer les églises»

Cette habitude de la désinformation, répandue au Brésil où une majorité de la population s’informe avant tout sur des groupes WhatsApp, constitue «une corrosion de la démocratie», a estimé le juge Alexandre de Moraes, président du TSE. Jeudi 20 octobre, il a rencontré les chefs de campagne de Lula et de Bolsonaro, et, la veille, il s’était réuni avec des représentants de Facebook, Instagram, WhatsApp, Google, TikTok, Telegram et YouTube.

Certaines de ces fausses informations circulent depuis plusieurs mois. Lula est ainsi régulièrement accusé de vouloir légaliser la vente de drogues, ou de libéraliser l’avortement (actuellement autorisé uniquement en cas de viol, risque vital pour la mère ou malformation grave du fœtus). Le bobard qui obtient le plus de succès parmi les adversaires du candidat de gauche, notamment chez les 30 % de Brésiliens adeptes des cultes évangéliques, affirme qu’il compte fermer les églises s’il était élu. Dans le camp de Lula, le président d’extrême droite a été régulièrement associé au cannibalisme et à la pédophilie.

Sur sa chaîne YouTube, le TSE publie en outre des vidéos de vérification de faits, sous le titre «Fato ou boato» («fait ou rumeur»). Quelques exemples : non, le TSE n’a pas censuré la station de radio bolsonariste Jovem Pan, il a seulement exigé qu’un droit de réponse soit accordé à la coalition de gauche Espoir du Brésil, après une diffamation à l’antenne. Non, les hackers des services secrets russes n’ont jamais alerté l‘armée brésilienne sur un piratage du système électoral (le ministère de la Défense a lui-même démenti ce ragot). Non, dans aucune ville le total des voix de Lula ne dépassait le nombre d’inscrits.

Les manips du fils Bolsonaro

La modestie du nombre de vues de ces courtes vidéos (20 000 pour la plupart) montre cependant leur faible impact sur l’opinion, alors que les fausses informations, accompagnées de documents truqués ou mal interprétés, peuvent cumuler des millions de répliques quand elles circulent de groupe en groupe.

Les mauvais coups de la campagne ne se limitent pas aux fake news. Flavio Bolsonaro, député et fils du président sortant, s’est même spécialisé dans les manipulations. Lundi, il publiait le détournement d’un dessin de Montanaro, caricaturiste du quotidien Folha de S. Paulo. Après le refus de Lula de participer vendredi à un débat télévisé face à son adversaire, le candidat du Parti des travailleurs est représenté, dans la nouvelle version, piteusement caché derrière son pupitre, face à un Bolsonaro debout. La veille, l’aîné du président avait déjà choqué en postant un photomontage grossier où le journaliste et influenceur Casimiro, soutien proclamé de Lula, arbore des ballons gonflés en forme de chiffre 22, le numéro du bulletin du candidat d’extrême droite.