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Crise

Présidentielle au Venezuela : la Colombie et le Brésil appellent à une nouvelle élection, pas l’opposition ni Maduro

Face à l’aggravation de la crise politique après la victoire contestée du président Nicolás Maduro fin juillet, la Colombie et le Brésil ont déclaré jeudi 15 août être favorables à réorganiser le scrutin. L’opposition demande le «respect de la souveraineté populaire».
Des manifestants à Mexico dénonçant la tournure de l'élection présidentielle vénézuélienne, le 10 août 2024. (Alfredo Estrella/AFP)
publié le 16 août 2024 à 11h11

Y aura-t-il de nouvelles élections au Venezuela, qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise ? C’est ce que souhaitent le Brésil et la Colombie, qui ont appelé jeudi 15 août dans la soirée à une nouvelle présidentielle dans le pays, afin de sortir du marasme né de la réélection contestée fin juillet de Nicolás Maduro.

Leur proposition a aussitôt été refusée par l’opposition vénézuélienne. «Proposer de ne pas tenir compte de ce qui s’est passé le 28 juillet [date du scrutin] est pour moi un manque de respect pour les Vénézuéliens […], la souveraineté populaire se respecte», a affirmé la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado à des médias chiliens et argentins. L’élection «a eu lieu et la société vénézuélienne s’est exprimée dans des conditions très défavorables. Il y a eu des fraudes et nous avons quand même réussi à gagner», a-t-elle ajouté.

Idem pour Edmundo Gonzalez Urrutia, le candidat de l’opposition, qui a réaffirmé sur le réseau social X avoir remporté «à une écrasante majorité» l’élection. Dans une vidéo, il a lancé «un appel à Nicolás Maduro : respectez la volonté du peuple vénézuélien, vous jouez avec la vie de millions de compatriotes !», regrettant que «l’économie du pays se détériore de plus en plus à chaque jour qui passe sans solution politique».

25 morts et 192 blessés

Nicolás Maduro, qui accuse les deux leaders - qui vivent dans la clandestinité depuis une quinzaine de jours - de vouloir réaliser un coup d’Etat, n’a pas fait directement référence à un nouveau scrutin mais a assuré que «les conflits au Venezuela […] sont résolus entre Vénézuéliens, avec leurs institutions, avec leur loi, avec leur Constitution».

Le président, qui a saisi la Cour suprême considérée comme inféodée au pouvoir pour «valider» sa victoire, n’a pas non plus voulu réagir aux déclarations venant de l’étranger : «Nous ne pratiquons pas la diplomatie du microphone. Chaque président sait, chaque Etat, chaque pays sait ce qu’il doit faire de ses affaires intérieures».

Le Conseil national électoral a ratifié début août la victoire du président Maduro avec 52 % des voix, sans fournir le décompte exact ni les procès-verbaux des bureaux de vote, assurant avoir été victime d’un piratage informatique. Selon l’opposition, qui a rendu publics les procès-verbaux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec 67 % des voix, un résultat rejeté par Nicolás Maduro. L’annonce de la réélection de ce dernier à un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, avec un bilan de 25 morts, 192 blessés et 2 400 arrestations, de source officielle.

Jugeant «très claire» la victoire de l’opposition, la Maison Blanche a rectifié le tir après un apparent soutien de Joe Biden à de nouvelles élections. Le président américain évoquait «la position absurde du (président) Maduro» qui n’est «pas honnête» sur le résultat de la présidentielle. A la question : «Etes-vous favorable à de nouvelles élections au Venezuela ?», lors d’un court échange avec la presse, Joe Biden avait répondu par l’affirmative.

Textes liberticides

De son côté, le Parlement vénézuélien a voté jeudi la loi réglementant les ONG et les associations, la première d’une série que l’opposition juge liberticide. Parmi les points du texte, l’obligation pour les ONG de notifier leurs «financements» et «donateurs, nationaux ou étrangers», ou l’interdiction de «recevoir des contributions financières destinées à des organisations à but politique». La Commission interaméricaine des droits de l’homme a estimé que la loi restreignait «arbitrairement le droit d’association, la liberté d’expression».

Deux autres textes sur «l’incitation au fascisme et à la haine» et sur une réglementation des réseaux sociaux doivent être examinés par le parlement monocaméral, où le pouvoir dispose de 256 des 277 sièges après le boycott par l’opposition des législatives de 2020.