La silhouette frêle s’accroche à la barre métallique pour ne pas tanguer à cause des cahots de la rame de métro et se donner de l’aplomb. Ana Fernandez pousse sa voix au milieu du brouhaha de l’heure de pointe à Buenos Aires : «Je vous demande pardon, je suis un peu nerveuse, je n’ai jamais fait ça de ma vie.» En moins de deux minutes, elle déroule un pan de l’histoire de sa vie et celle de l’Argentine des années de plomb. La mère d’Ana avait 16 ans lorsqu’elle a été capturée et torturée par la junte militaire au pouvoir (1976-1983). La grand-mère d’Ana, partie à la recherche de sa fille, a disparu elle aussi avant d’être précipitée vivante dans l’estuaire du Rio de la Plata, depuis l’un des «vols de la mort» pratiqués par la dictature, le même où les deux religieuses françaises Alice Domon et Léonie Duquet en 1977. Tous les regards se tournent vers Ana.
Il y a quelques semaines, l’un des responsables de ces exécutions sommaires de milliers d’Argentins, le capitaine de corvette Jorge Eduardo Acosta, a donné depuis la prison où il purge une peine de prison à vie son soutien au candidat d’extrême droite Javier Milei. D’autres bourreaux de la dictature ont