C’est un petit séisme dans la vie politique bolivienne. Evo Morales ne sera pas candidat à l’élection présidentielle du mois d’août. Depuis plusieurs jours, l’ex-président reconnaissait qu’il n’avait pas trouvé d’accord avec un parti politique pour déposer sa candidature. Le lundi 19 mai, quand ses délégués ont tenté de l’inscrire auprès du tribunal suprême électoral, ils ont trouvé porte close.
Les difficultés de l’ancien président à s’inscrire s’expliquent par le fonctionnement du système électoral bolivien. Pour être candidat, il faut obligatoirement être inscrit par un parti politique ayant annoncé sa participation aux élections. Cela donne lieu à des partis politiques fantômes, quasiment sans militants, mais qui reparaissent à chaque élection en prêtant leur nom à un candidat. Morales comptait se présenter pour l’un d’entre eux, le Parti d’action nationale bolivienne (Pan-bol), mais celui-ci a vu son statut juridique supprimé début mai.
Les déconvenues de Morales remontent à plusieurs mois. En février, il avait perdu le contrôle du Mouvement vers le socialisme (MAS), parti dont il était le président depuis 1997 et avec lequel il avait gagné les élections présidentielles de 2006, 2009 et 2014. En conséquence, l’ex-président avait signé un accord avec un de ces partis politiques prête-nom, le Front pour la victoire, mais l’accord a été rompu au bout d’un mois.
Office de paratonnerre
Même si l’ancien président avait pu s’inscrire à l’élection présidentielle, il était très peu probable que le tribunal électoral valide cette candidature. En effet, une décision du tribunal constitutionnel de 2023 limite le nombre de mandats présidentiels à deux, en tout et pour tout. Une situation qui ne concerne qu’Evo Morales en Bolivie.
Les conséquences de cette non-candidature sont nombreuses et encore difficiles à évaluer. Tout d’abord, les partisans de Morales ne vont pas accepter cette situation sans broncher. Vendredi 16 mai, plusieurs milliers d’entre eux étaient venus à La Paz pour faire pression sur le tribunal électoral et inscrire leur candidat — sans succès. De nouvelles manifestations voire des blocages de route dans le Chaparé, le fief de Morales, sont probables.
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Au niveau politique et électoral, l’absence d’une candidature de Morales rend le résultat de l’élection d’août encore plus incertain. Une quantité non négligeable d’électeurs se retrouve orpheline de son candidat et un report de voix vers un autre candidat de gauche n’est pas du tout assuré, du fait de la lutte fratricide au sein de la gauche bolivienne avec l’actuel président, Luis Arce, depuis au moins deux ans. Evo Morales faisait aussi office de paratonnerre des critiques des différents candidats d’opposition qui avait construit un discours anti-Morales et anti-MAS. C’est donc toute la classe politique qui est affectée, d’une manière ou d’une autre, par cette situation. Pour autant, il est encore trop tôt pour parler d’une mort politique de l’ancien président : son poids politique, symbolique et aussi électoral reste très important dans le pays.