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Elle glisse une petite pilule abortive blanche dans le sachet en plastique. Elle sort sa clé de voiture, met le contact et se lance à l’assaut du quadrillage à l’américaine des rues de Matamoros, ville frontière mexicaine où l’industrie automobile a trouvé sa main-d’œuvre bon marché. De l’autre côté du río Bravo, Brownsville, au Texas, est la porte d’entrée des Etats-Unis. Ali (1) s’arrête sur un large parking desservant des fast-foods et un grand supermarché. Une jeune fille s’approche. Ali sort, claque la portière. Elles discutent un instant, et Ali lui donne un sachet discrètement. Puis une famille se pointe, menée par la mère : Ali lui glisse un autre sachet sous le manteau. «Voir une famille, c’est beau, ça normalise la chose», sourit-elle.
Ali est l’une des fondatrices de «Matamoros décide», une collective – le terme est féminisé à dessein – qui aide depuis 2018 les Mexicaines à avorter. Sur un mur de sa chambre, un bandana violet, symbole de la lutte contre les féminicides, et un vert, la couleur de la lutte pour le droit à l’IVG : «La religion de certains n’est pas la loi de toutes», peut-on y lire. Dans un coin, elle conserve des dizaines de paquets de médicaments abortifs reçus le matin même : «Les réserves évoluent en fonction des arrivages : <