Après la protection divine, celle de la justice ? «C’est Dieu seul qui a empêché l’impensable», clamait ce week-end Donald Trump après avoir miraculeusement réchappé à une tentative d’assassinat. Ce lundi 15 juillet, c’est au tour de la juge fédérale Aileen Cannon, dont l’inexpérience et la partialité ont été maintes fois pointées du doigt, de jouer les anges gardiens. Nommée fin 2020 par Trump lui-même, et chargée de présider l’affaire contre lui pour rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche, elle a décidé d’annuler toute la procédure, considérant la nomination du procureur spécial Jack Smith, qui instruit le dossier, comme illégale.
Cette décision radicale, qui va tout de même faire l’objet d’un appel de la part du procureur spécial, a annoncé le ministère américain de la Justice, n’en constitue pas moins une victoire tonitruante pour l’ex-président, le jour où débute la convention républicaine qui doit officialiser sa candidature à la présidentielle de novembre. Une bouffée d’air d’autant plus savoureuse qu’avant de s’enliser sous les manœuvres dilatoires et décisions incompréhensibles de la juge Cannon, cette affaire des archives confidentielles a longtemps été considérée comme la plus périlleuse des (nombreuses) menaces judiciaires auxquelles l’ancien président était confronté.
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Dans ce dossier, dont les faits se sont joués pour l’essentiel après le départ en disgrâce de Donald Trump de la Maison Blanche, le 20 janvier 2021, deux semaines après l’attaque du Capitole par ses partisans, la responsabilité directe et criante de l’ancien président et de deux de ses assistants personnels semblait en effet la plus aisée à démontrer. L’enquête et les perquisitions menées à l’été 2022 par le FBI dans la résidence de Mar-a-Lago ont notamment permis d’y retrouver plus d’une centaine de documents classifiés, contenant notamment plans militaires et informations sur des armes nucléaires, stockés dans des placards, des cagibis, une salle de bal et même des toilettes. En violation totale de plusieurs lois, dont celle qui régit les archives présidentielles et une autre sur l’espionnage, qui interdit de conserver des secrets d’Etat dans des lieux non autorisés et sécurisés. Egalement accusé d’avoir tenté de détruire des preuves, Donald Trump était visé dans cette affaire par une quarantaine de chefs d’inculpation passibles, pour les plus graves, de dix ans de prison.
Une jurisprudence plus fragilisée que jamais
Sans se prononcer sur le fond du dossier, à peine évoqué dans sa décision longue de 93 pages, la juge Aileen Cannon, 43 ans, a tranché en faveur de la défense de Donald Trump, qui contestait l’autorité constitutionnelle du procureur spécial Jack Smith, nommé en novembre 2022 par le ministre de la Justice, et le financement de son travail d’enquête. «La Cour est convaincue que les poursuites du procureur spécial Smith dans ce dossier violent deux piliers de notre ordre constitutionnel, le rôle du Congrès dans la nomination de responsables en vertu de la Constitution et le rôle du Congrès dans l’autorisation de dépenses», écrit la juge. Visiblement indifférente au fait que par le passé, y compris récent, de nombreux juges fédéraux ont catégoriquement rejeté des arguments similaires à ceux des avocats de Trump concernant la légitimité des procureurs spéciaux, dont la tradition remonte aux années 1870.
Mais, et c’est l’une des conséquences les plus durables du premier mandat de Donald Trump, au cours duquel il a nommé des centaines de juges à tous les échelons du système fédéral : jamais la jurisprudence n’a semblé aussi fragilisée aux Etats-Unis. En particulier au sein d’une Cour suprême de plus en plus politisée, où siègent trois magistrats nommés par Trump. Et qui, deux ans après avoir abrogé le droit fédéral à l’avortement, vient de réduire considérablement le pouvoir de régulation des agences fédérales et de reconnaître une large immunité pénale au président des Etats-Unis. Cette décision inédite, rendue le 1er juillet, a renvoyé au tribunal de première instance l’autre affaire fédérale majeure menaçant l’ancien président, sur les tentatives de renversement des résultats de l’élection présidentielle de 2020.
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Dans la foulée de la décision de ce lundi, Donald Trump a appelé à l’abandon de toutes les poursuites judiciaires à son encontre : «Au moment où nous allons de l’avant pour unir notre nation après les événements horribles de samedi, cette annulation de l’inculpation illégale en Floride devrait être le premier pas, suivi rapidement de l’annulation de TOUTES les chasses aux sorcières», a affirmé sur sa plateforme Truth Social le candidat républicain à la présidentielle, faisant ensuite la liste des procès qui lui sont intentés. En cas de victoire le 5 novembre face à Joe Biden, Donald Trump pourrait, une fois investi en janvier 2025, ordonner l’abandon définitif de toutes les poursuites fédérales à son encontre. Les procédures encore en cours dans l’Etat de New York et en Géorgie, une autre affaire portant sur la tentative de corrompre l’issue du scrutin de 2020, seraient quant à elles suspendues le temps de son mandat.
Mis à jour lundi 15 juillet à 18 h 50 avec éléments de contexte ; mardi 16 juillet à 7 h 35 avec l’appel à venir du ministère de la Justice.