Pour disqualifier la candidate démocrate Kamala Harris et la repeindre en dangereuse avocate de l’ouverture des frontières, Donald Trump et ses partisans sont prêts à tout. Y compris à propager les fausses nouvelles les plus nauséabondes et les plus xénophobes. Ainsi le candidat républicain à l’élection américaine du 5 novembre a-t-il relayé, lors du débat présidentiel de ce mardi 10 septembre, une rumeur raciste qui circulait dans les sphères d’extrême droite sur les réseaux sociaux et avait été reprise par plusieurs de ses proches. «A Springfield, ils mangent des chiens, les gens qui viennent [les migrants, ndlr.], ils mangent des chats. Ils mangent les animaux de compagnie des habitants», a prétendu le milliardaire, sous le regard effaré de sa rivale, grande gagnante du rendez-vous télévisé contre un Donald Trump sur la défensive, dont elle n’a cessé de dénoncer les errements et les mensonges.
Springfield, petite ville du Midwest américain située à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de Columbus, la capitale de l’Etat de l’Ohio, soudain au coeur du débat politique national. Là-bas vivent de nombreux immigrés haïtiens (quelque 20 000, soit environ un tiers de la population totale de la commune), arrivés à partir de la pandémie de Covid-19 pour fuir leur pays ravagé par la guerre et la misère. Ceux-là résident Springfield dans un cadre légal et font vivre l’économie locale, selon les autorités municipales, mais leur présence a suscité de fortes tensions, surtout depuis un accident de bus scolaire qui avait coûté la vie à un enfant de onze ans l’année dernière. Le conducteur du véhicule était un immigré haïtien.
Démenti de la police locale
A plusieurs reprises déjà, James David Vance, candidat à la vice-présidence de Donald Trump et par ailleurs sénateur de l’Ohio, avait soufflé sur les braises de cette animosité ambiante. Il a poussé l’outrance encore un cran plus loin, lundi, en reprenant à son compte la rumeur sur les réfugiés haïtiens, partie apparemment d’un simple post Facebook.
Journal de campagne
«Il y a quelques mois, j’ai soulevé le problème des immigrés haïtiens en situation illégale qui épuisent les services sociaux et sèment généralement le chaos dans tout Springfield, dans l’Ohio. Des informations montrent désormais que des animaux de compagnie ont été enlevés et mangés par des personnes qui ne devraient pas être dans ce pays», a-t-il alerté. Les Haïtiens, mangeurs d’animaux de compagnie ? Un mensonge grossier, qui rappelle les insultes récurrentes de Donald Trump à l’encontre des habitants de l’Etat caribéen, qu’il avait accusés en 2021 de répandre le sida aux Etats-Unis. James David Vance n’a évidemment fourni aucun élément pour étayer ses attaques.
A Springfield, les autorités se sont empressées de démentir la rumeur. «Nous voulons clarifier qu’il n’existe pas d’informations crédibles ou d’affirmations précises sur des animaux de compagnie maltraités, blessés ou victimes d’abus de la part de la population immigrée», a fait savoir la police locale dans un communiqué. Las, les images produites par l’intelligence artificielle héroïsant un Donald Trump sauveur de petits chats prétendument mignons ont inondé X, relayées par des figures de la droite américaine, jusqu’au propriétaire du réseau social, le milliardaire Elon Musk. «Nous ne pouvons pas permettre que nos animaux de compagnie deviennent le déjeuner chaud des nouveaux arrivants de Kamala [entendre : les immigrés, ndlr]. Protégez les animaux. Votez Trump», a surenchéri Wesely Hunt, élu républicain du Texas à la Chambre des représentants.
Surenchère anti-immigration
C’est que les républicains, surpris au cœur de l’été par le remplacement impromptu du candidat Joe Biden par sa vice-présidente Kamala Harris, tentent d’attaquer leur nouvelle adversaire sur la question migratoire en lui reprochant le bilan de l’administration démocrate, qu’ils jugent catastrophique. Voilà l’ancienne procureure de Californie affublée par ses ennemis d’un ironique «tsarine de la frontière» et accusée d’avoir permis des entrées massives sur le territoire américain, notamment en provenance d’Amérique centrale. De fait, les arrivées à la frontière mexicaine ont atteint des niveaux records en 2023. Lundi, dans un communiqué consacré à l’affaire de Springfield, l’équipe de campagne de Donald Trump accusait encore Kamala Harris d’avoir «importé des centaines de milliers de migrants de pays du tiers-monde directement dans les communautés américaines». «Si elle est élue en novembre, votre ville sera touchée à son tour», insistaient les trumpistes.
Au diapason d’une opinion publique de plus en plus hostile à l’immigration, la candidate démocrate promet elle aussi d’agir avec fermeté pour limiter le phénomène. Sur son site de campagne, elle se vante d’avoir défendu avec Joe Biden «la réforme la plus dure depuis des décennies» sur le sujet. De tendance répressive, le texte proposait un renforcement des expulsions et la possibilité de refuser l’accès au système d’asile au-delà d’un certain seuil d’arrivées, mais il avait été bloqué par l’opposition républicaine au Congrès.
Kamala Harris propose de le présenter à nouveau, si elle est réélue. Pas suffisant, pour les soutiens de Donald Trump. Sur X, lundi, un compte de campagne du milliardaire exposait ainsi le choix qui s’offre aux électeurs américains le 5 novembre : «Le président Trump va expulser les migrants qui mangent des animaux de compagnie. Kamala Harris les enverra dans votre ville.»
Mise à jour : mercredi 11 septembre à 10h30, avec les déclarations de Donald Trump lors du débat présidentiel.