Après une demi-journée intense, ce lundi 18 août, où les réunions et les déclarations croisées se sont multipliées, les participants à une nouvelle ronde de négociations sur la fin de la guerre entre l’Ukraine et la Russie sont enfin apparus, vers 14 h 45 (heure de Washington, 20 h 45 en France) à la Maison Blanche pour la «photo de famille».
Au centre, Donald Trump, l’homme qui se vante d’avoir mis fin à «six guerres en six mois», et Volodymyr Zelensky. Autour d’eux, une délégation de chefs d’Etat ou de gouvernement censée montrer la solidarité de l’Europe avec l’Ukraine envahie et martyrisée. Puis, les dirigeants se sont retirés dans l’East Room, le plus vaste des salons de la Maison-Blanche, pour réfléchir, sous le portrait géant de George Washington, à une issue au conflit et «parvenir à une paix juste et durable qui préserve les intérêts vitaux de l’Ukraine et la sécurité de l’Europe», précisait une note d’information de l’Elysée.
«Vous portez le même costume. Moi, je me suis changé»
Dès 10 heures, pour préparer son grand oral, Zelensky avait reçu à l’ambassade d’Ukraine ses partenaires venus d’Europe pour l’épauler : la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président français, Emmanuel Macron, son homologue finlandais, Alexander Stubb, le chancelier allemand, Friedrich Merz, et la cheffe du gouvernement italienne, Giorgia Meloni. Hors UE étaient présents Keir Starmer, Premier ministre du Royaume-Uni, ainsi que le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte.
Une des inconnues du jour, en apparence anecdotique, était la tenue qu’arborerait le président ukrainien. Le 28 février, lors de sa précédente visite à la Maison Blanche, sa mise de militaire en campagne, pull et pantalon noirs, avait suscité les sarcasmes de Donald Trump et de son vice-président, J.D. Vance. Cette fois-ci, Zelensky est resté fidèle au noir avec une veste, un pantalon et une chemise de cette couleur. Mais pas de cravate. L’ancien acteur a même tenté la complicité avec le milliardaire : «Vous portez le même costume [qu’en février]. Moi, je me suis changé», a-t-il plaisanté. Le journaliste Brian Glenn, et compagnon de la très trumpiste Marjorie Taylor Green, qui l’avait apostrophé sur son style militaire en février, l’a cette fois-ci trouvé «fabuleux».
Avant la grande réunion, Trump et Zelensky se sont exprimés devant les journalistes dans le Bureau ovale. Le président américain s’est placé dans l’hypothèse d’un résultat positif : «Si tout se passe bien aujourd’hui, nous aurons une réunion à trois [avec Vladimir Poutine] et je pense qu’il y aura de bonnes chances de mettre fin à la guerre lorsque nous le ferons», a-t-il commenté. Son homologue, se disant «prêt» à une réunion tripartite, a répondu : «Merci pour l’invitation et merci beaucoup pour vos efforts, vos efforts personnels pour mettre fin à la tuerie et arrêter cette guerre.»
Poursuite des frappes
Mais dans la matinée, une salve de messages sur les réseaux sociaux révélait les différences d’approche entre les deux hommes. Pour l’Ukrainien, la Russie «ne doit pas être récompensée» pour avoir envahi son pays en février 2022. Et à destination de son hôte : «Seule la force peut contraindre la Russie à la paix, et le président Trump dispose de cette force.» Réponse de ce dernier sur son réseau Truth Social : Zelensky «pourrait mettre fin à la guerre avec la Russie presque immédiatement s’il le voulait». Dans le Bureau ovale, il a insisté sur les «excellentes garanties» promises par Moscou en cas d’accord de paix. «ll y aura beaucoup, beaucoup d’aide en matière de sécurité. Ce sera une bonne chose», a-t-il insisté.
Dans les heures qui ont précédé le sommet, il semblait acquis que le président américain transmettrait les exigences posées par Vladimir Poutine le 15 août, lors de leur rencontre à Anchorage (Alaska), préambule à celle de lundi. Notamment le renoncement par l’Ukraine à la péninsule de Crimée, occupée militairement pas Moscou depuis 2014. La réponse de Zelensky était tout autant acquise : il n’accepterait jamais cet abandon de souveraineté, et avait invoqué dimanche la Constitution de son pays, «qui rend impossible de renoncer à son territoire».
Pendant ce temps, les combats n’ont pas connu de trêve en Ukraine, avec des tirs de drones et de missiles, comme vendredi 15 août, lors de la rencontre Trump-Poutine. Une frappe de drone russe a fait sept morts et des blessés à Kharkiv, dans l’est du pays, selon les autorités locales. Et deux personnes ont été tuées dans des frappes ukrainiennes dans les régions de Kherson et Donetsk, selon les autorités d’occupation.
Une rencontre cordiale
La rencontre avec les Européens a pourtant suivi sur le même ton badin, Trump présentant chacun de ses invités à grand renfort de superlatifs. De «grands» et «forts» chefs et cheffe d’Etat qui avaient «l’air mieux qu’il ne» les «avait jamais vus». Lors d’un tour de table où les dirigeants européens ont remercié avec déférence leur hôte, Emmanuel Macron a évoqué une future «réunion quadrilatérale» associant Poutine, Trump, Zelensky, et les principaux leaders du Vieux continent.
Seul le chancelier allemand, Friedrich Merz, s’est autorisé à jouer les trouble-fêtes en insistant sur la nécessité d’obtenir un cessez-le-feu avant d’entamer de véritables négociations de paix. Une position autrefois cher à Donald Trump, qu’il semble avoir abandonné après sa rencontre avec Vladimir Poutine à Anchorage, vendredi dernier. «Travaillons en ce sens et essayons de mettre la pression sur la Russie», a insisté le Conservateur au pouvoir de la première économie de l’Europe depuis cette année.
Reste que la réunion multilatérale semble s’être bien passée. Très bien, même, à en croire Donald Trump qui s’est même permis de l’interrompre pour tenir le président russe informé de l’avancée des discussions. «Tout le monde se réjouit de la possibilité d’une PAIX entre la Russie et l’Ukraine», s’est-il ensuite félicité sur son réseau Truth Social. Car le milliardaire, qui se rêve en faiseur de paix et aimerait bien décrocher le Nobel du même titre, assure avoir «commencé les préparatifs» d’une trilatérale avec Zelensky et Poutine.
Ce dernier, qui se refusait pourtant catégoriquement à rencontrer son homologue ukrainien ces derniers jours, aurait finalement concédé être prêt à le faire, lors du fameux coup de fil. Et la rencontre pourrait avoir lieu «sous deux semaines» si l’on en croit les dires du président américain aux participants de cette multilatérale inédite, voire historique. Et Trump de fanfaronner, toujours sur Truth Social, sur une paix à venir, avec des garanties de sécurité «fournies» par les Européens en «coordination» avec les Etats-Unis.
Le chemin vers la paix reste encore long, et les engagements du président russe toujours incertains. Friedrich Merz, encore lui, l’a résumé en une phrase, tout en rappelant que l’Ukraine ne devrait pas céder ses territoires : «Je ne suis pas sûr que Poutine aura le courage de venir à un sommet avec Zelensky.»