Au moment où Donald Trump montre les muscles contre le Venezuela, deux bombardiers stratégiques américains B-1B ont survolé jeudi 23 octobre la mer des Caraïbes au large de ce pays d’Amérique du Sud, selon les données de suivi des vols. Ils ont décollé d’une base de l’US Air Force au Texas, a rapporté le Washington Post. Ces appareils, capables d’emporter 34 tonnes de bombes et dont «le rayon d’action leur permet d’atteindre n’importe quelle zone des Caraïbes depuis les États-Unis», sont «restés dans l’espace aérien international», souligne le média américain.
Il s’agit de la deuxième démonstration de force Américaine de ce type ces derniers jours. La semaine dernière, des bombardiers B-52 basés aux Etats-Unis avaient déjà été détectés près des côtes vénézuéliennes pendant plusieurs heures, survolant notamment une île où l’armée vénézuélienne avait conduit des exercices d’entraînement en septembre.
Breaking today: The U.S. carried out a 2nd bomber demo in the Caribbean, sending two USAF B-1B Lancer bombers ~50 miles off the coast of Venezuela.
— Ian Ellis (@ianellisjones) October 24, 2025
The pair of Bones came within ~6 miles of Los Testigos, a Venezuelan island group (with a coast guard station). Via @flightradar24: pic.twitter.com/Nq3C6ktNSy
Ce vendredi soir, les Etats-Unis ont en outre décidé de déployer un porte-avions, montée en puissance considérable des moyens militaires américains dans la région. Le porte-avions Gerald R. Ford, le plus grand du monde, va venir avec son escadre «renforcer les moyens actuels pour déjouer le trafic de stupéfiants et démanteler des organisations criminelles transnationales» dans la zone de commandement correspondant à l’Amérique centrale et à l’Amérique du Sud, a annoncé le Pentagone sur X.
Sa date d’arrivée dans la région n’est pas précisée par les autorités américains, mais le porte-avions traversait récemment le détroit de Gibraltar, selon une publication de l’US Navy.
Forged in training. Ready for any mission. ⚓️
— U.S. Navy (@USNavy) October 20, 2025
USS Gerald R. Ford Carrier Strike Group transits the Strait of Gibraltar in the @USNavyEurope area of operations. pic.twitter.com/yywRoXogjk
Il s’ajoutera au destroyer USS Gravely, qui «visitera [également] Trinité-et-Tobago du dimanche 26 au jeudi 30 octobre, s’amarrant à Port-d’Espagne, tandis que la 22e Unité expéditionnaire des Marines des Etats-Unis mènera un entraînement conjoint avec les Forces de défense de Trinité-et-Tobago (TTDF) pendant la même période», selon un texte du gouvernement de l’archipel, dont la pointe occidentale se trouve à une dizaine de kilomètres du Venezuela.
Le communiqué trinidadien n’évoque nulle part le sort de Caracas. Il se contente d’affirmer que l’arrivée de ces moyens militaires américains est liée à la «sécurité régionale» et aux «efforts de coopération dans les Caraïbes» et de «coopération militaire» entre Washington et le petit archipel, dont la Première ministre, Kamla Persad-Bissessar, est une fervente soutien de Donald Trump et de sa politique anti-immigration vénézuélienne.
Analyse
Le président américain s’est pourtant défendu jeudi de vouloir accroître la pression militaire sur Caracas. «C’est faux», a-t-il assuré lors d’un événement à la Maison Blanche, tout en ajoutant que les Etats-Unis étaient toujours «mécontents du Venezuela pour beaucoup de raisons». «Nous ne sommes pas contents d’eux. Ils ont vidé leurs prisons dans notre pays», a-t-il accusé.
Guère plus rassurant, le chef d’Etat républicain a ajouté qu’il n’entend «pas nécessairement demander une déclaration de guerre» au Congrès, qui a le pouvoir constitutionnel de le faire. «Nous allons simplement tuer les gens qui entrent dans notre pays».
Neuf attaques américaines et trente-sept morts
Ces dernières semaines, Washington a déployé sept navires de guerre dans les Caraïbes et un dans le Golfe du Mexique, officiellement dans le cadre d’une opération contre le narcotrafic, visant particulièrement le Venezuela et son président Nicolas Maduro. Les Etats-Unis ont revendiqué neuf attaques, qui ont fait au total au moins 37 morts.
Deux Trinidadiens auraient notamment été tués mi-octobre dans une frappe américaine mi-octobre, selon leurs familles, mais les autorités locales n’ont ni confirmé ni infirmé ces décès pour le moment. Des experts ont remis en question la légalité de ces frappes dans des eaux étrangères ou internationales, contre des suspects qui n’ont pas été interceptés ou interrogés.
Par ailleurs, la Colombie voisine est également dans le viseur de Washington : le département américain du Trésor a annoncé vendredi dans un communiqué imposer des sanctions visant le Président, Gustavo Petro, ainsi que son fils, sa femme et son ministre de l’Intérieur Armando Benedetti, les accusant de ne rien faire pour limiter la production de cocaïne dans le pays.
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Face au déploiement américain dans les Caraïbes, Nicolas Maduro, qui cherche à apaiser les tensions avec Trump depuis des semaines, a réitéré des appels à la paix, cette fois sur un ton humoristique : «Yes peace, yes peace, forever, peace forever ! No crazy war, Please ! Please, please ! No crazy war !», a déclaré Nicolas Maduro en anglais. «Cela s’appelle un langage tarzanesque, façon Tarzan ! Si on traduit c’est : «pas de guerre, pas de guerre, pas vouloir guerre, non à la guerre des fous, non à la folie de la guerre»», a plaisanté le dirigeant.
Passé l’humour, Nicolas Maduro, qui a ordonné une série d’exercices militaires depuis août, a aussi souligné jeudi que lors de ces entraînements, des équipements achetés à la Russie et à la Chine avaient été testés. «Merci au président Vladimir Poutine, merci à la Russie, merci à la Chine et merci à de nombreux amis dans le monde, le Venezuela dispose d’un équipement pour garantir la paix», a-t-il déclaré. Pour Maduro, Washington se sert du trafic de drogue comme prétexte «pour imposer un changement de régime» et s’emparer des importantes réserves de pétrole de son pays.
Le ministre vénézuélien de la Défense a quant à lui assuré jeudi que toute opération de la CIA contre son pays «échouerait», après que Donald Trump a autorisé des opérations clandestines contre le Venezuela la semaine dernière. «Nous savons que la CIA est présente» sur le sol vénézuélien, a déclaré le général Vladimir Padrino. Les Américains «pourront bien envoyer je ne sais combien d’agents affiliés à la CIA dans des opérations clandestines de n’importe quel point du pays, toute tentative échouera». Réitérant ce vendredi : «Interprétez-le comme vous voulez : les Forces armées ne permettront pas ici un gouvernement soumis aux intérêts des Etats-Unis.»
Mise à jour ce samedi à 9 h 05, avec l’ajout de la dernière position connue du porte-avions américain Gerald R. Ford.