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Tentative d’assassinat contre Donald Trump : Ryan Wesley Routh, d’une obsession pour l’Ukraine à une aversion contre l’ex-président

Un Américain de 58 ans a été arrêté dimanche 15 septembre à West Palm Beach alors qu’il prenait pour cible le candidat républicain au scrutin de novembre. Ce déçu du trumpisme qui se présente comme un ardent défenseur de la cause ukrainienne a été inculpé ce lundi de «détention illégale d’arme» et de «possession d’une arme au numéro de série effacé».
Ryan Wesley Routh à Kyiv, en mai 2022. (Valentyn Ogirenko/Reuters)
par Charles Delouche-Bertolasi et Julien Gester, correspondant à New York
publié le 16 septembre 2024 à 17h50

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L’homme souhaitait combattre en Ukraine et braver le feu ennemi. C’est finalement dans un buisson de Mar-a-Lago qu’il a essuyé des tirs d’arme automatique. Fuyant à bord de son SUV Nissan, Ryan Wesley Routh, 58 ans, a été arrêté dimanche 15 septembre par le Secret Service américain. Routh comptait viser avec un fusil automatique de type AK-47 – qu’il a abandonné derrière lui – l’ancien président Donald Trump, qui perfectionnait alors son swing sur le green du Trump International Golf Club.

Qui est Ryan Wesley Routh ? Sur ses réseaux sociaux, l’homme indique être diplômé en génie mécanique de l’université agricole et technique de Caroline du Nord. Installé à Honolulu depuis 2018, il précise sur son profil LinkedIn être propriétaire d’une entreprise de construction d’habitat léger appelée Camp Box, à Hawaï. «Construire des structures simples et économiques pour aider à lutter contre le taux de sans-abrisme le plus élevé des Etats-Unis en raison d’un embourgeoisement sans précédent. Le coût extrêmement élevé des terrains […] et les réglementations gouvernementales ridicules rendent le logement extrêmement difficile», écrit-il.

«Idées délirantes»

Bien plus que son combat pour le droit au logement, c’est son engagement pour l’Ukraine qui ressort dans ses nombreuses prises de position sur ses réseaux sociaux. Ainsi, dès février 2022 et l’invasion russe, Routh a plaidé pour un soutien militaire à Kyiv, allant jusqu’à se dire prêt à aller se «battre» et à «mourir» pour la défense de l’Ukraine. Selon CNN, Routh s’est rendu en Ukraine quelques semaines seulement après le début de la guerre. Une vidéo publiée par l’AFP en avril 2022 le montre à Kyiv, sur la place de l’Indépendance. Il y qualifie Vladimir Poutine de «terroriste» et dit «qu’il faut en finir avec lui». D’autres images le montrent arborant un tee-shirt floqué de la bannière étoilée américaine, les cheveux teints en blond et en bleu, assistant à un rassemblement de soutien aux soldats à Kyiv, posant debout devant un large drapeau ukrainien orné d’un appel aux volontaires internationaux.

Depuis deux ans, Routh apparaît dans divers médias, de Newsweek au New York Times, comme une voix américaine appelant à lever une armée de volontaires internationaux. A plusieurs reprises, l’homme fait part sur ses réseaux de son projet : transférer des soldats afghans ayant fui les talibans pour les envoyer sur le front ukrainien. Si Routh aime se présenter comme un ardent défenseur de la cause ukrainienne, notamment via la mise en place d’une levée de fonds sur Internet, plusieurs personnes se revendiquant de la Légion internationale pour la défense territoriale de l’Ukraine le présentent plutôt comme un imposteur, un recruteur fantoche. Auprès de CNN, un représentant de la Légion confirme avoir été «contacté en ligne à plusieurs reprises» par Routh. Sans prendre le temps de lui répondre. «La meilleure façon de décrire ses messages est de parler d’idées délirantes, précise l’officier Oleksandr Shaguri. Il nous proposait un grand nombre de recrues de différents pays, mais il était évident pour nous que ses offres n’étaient pas réalistes. Nous n’avons même pas répondu, il n’y avait rien à répondre. Il n’a jamais fait partie de la Légion et n’a jamais coopéré avec nous.»

«Je serai content quand vous ne serez plus là»

L’an dernier, Routh a consigné sa désillusion vis-à-vis de ce «conflit ingagnable» et «la défaillance fatale de la démocratie» dans un livre riche en images gore de cadavres et mutilations, commercialisé en version numérique via Amazon. Il y distille notamment son aversion pour l’ancien président Donald Trump. Le Washington Post, qui a consulté l’ouvrage, signale que, dans un passage consacré à l’Iran, le suspect dit devoir «assumer une partie de la faute» d’avoir élu un président «sans cerveau», dont il écrit ensuite : «Vous êtes libres aussi bien que moi d’assassiner [Trump] aussi bien que moi pour cette erreur de jugement et le démantèlement de l’accord [sur le nucléaire iranien].»

Routh aurait en effet voté pour Donald Trump en 2016, avant de se tourner vers Joe Biden en 2020, puis de soutenir des figures hétéroclites, et pour certaines très trumpo-compatibles, ou alignées sur la vision géopolitique du Kremlin, telle l’ex-démocrate Tulsi Gabbard ou le golden-boy ultra-conservateur Vivek Ramaswamy. Dans un post sur X en 2020, Ryan Wesley Routh revenait sur son vote pour le candidat conservateur en 2016. «Nous avons tous été très déçus et il semble que vous êtes de pire en pire. Etes-vous demeuré ? Je serai content quand vous ne serez plus là», écrivait-il. Son dernier tweet date du 17 juillet, quatre jours après la tentative d’assassinat contre l’ancien président américain non loin de la ville de Butler, en Pennsylvanie : «Kamala Harris, vous et Biden devriez rendre visite aux personnes blessées lors du meeting de Trump et assister aux obsèques du pompier assassiné. Trump ne fera jamais rien pour eux…»

Parmi les divers délits fiscaux et d’impayés qui composent son casier judiciaire, c’est une arrestation par la police de sa ville natale en 2002, à Greensboro, qui détonne. Après avoir été appréhendé avec une arme automatique, Ryan Wesley Routh s’était retranché dans un commerce avoisinant. Les poursuites avaient apparemment été abandonnées. Interrogé par CNN, Oran Routh, son fils, qualifie ce dernier de «père aimant et attentionné» et «d’homme honnête et travailleur». Placé en garde à vue dimanche 15 septembre après son arrestation, Routh a été inculpé lundi de «détention illégale d’arme» et de «possession d’une arme au numéro de série effacé», des charges qui lui ont été signifiées lors de sa première comparution devant un juge fédéral en Floride.