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Etats-Unis

«The Atlantic» publie le plan d’attaque militaire divulgué par erreur par l’administration Trump à son journaliste

Face aux critiques de l’administration Trump, le prestigieux magazine a publié ce mercredi 26 mars les échanges entre les responsables américains sur la messagerie Signal, au sujet de l’attaque contre les Houthis. La Maison Blanche dénonce une «supercherie».
Le vice-président J.D. Vance, à gauche, et le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche Mike Waltz, à la Maison-Blanche, le vendredi 7 février 2025. (Evan Vucci/ASSOCIATED PRESS)
publié le 26 mars 2025 à 14h03
(mis à jour le 26 mars 2025 à 19h15)

«La météo est favorable. Nous avons le feu vert de l’armée pour lancer la mission. 12h15 : décollage des F-18 pour la première série de frappes. 13h45 : premières frappes des F-18, décollage de drones. 14h10 : décollage de nouveaux F-18 pour la deuxième série de frappes. 14h15 : frappes des drones sur la cible. 15h36 : frappes de la deuxième série de F-18. Lancement des premiers missiles Tomahawak.»

Le magazine américain The Atlantic a publié ce mercredi 26 mars le plan d’attaque militaire de l’armée américaine contre les Houthis au Yémen, dont son rédacteur en chef a été le destinataire accidentel après une bourde de l’administration Trump. Cet article inclut des copies d’écran de dizaines de messages entre le vice-président, le ministre de la Défense, le conseiller à la Sécurité national ou encore les chefs du Pentagone et de la CIA. Figurent par exemple les horaires précis des frappes contre les rebelles houthis avant que celles-ci n’aient eu lieu.

Dans un premier papier paru lundi, le rédacteur en chef de The Atlantic, Jeffrey Goldberg, racontait avoir été par erreur ajouté dans une boucle de discussion sur Signal, dans laquelle les ténors du gouvernement américain débattaient du bien-fondé de mener des frappes contre le groupe basé au Yémen et soutenu par l’Iran. Une plongée vertigineuse dans les discussions au sein des plus hautes instances américaines.

Dans les pas de Donald Trump qui a cherché la veille à minimiser un simple «pépin» émanant d’un journaliste «tordu», l’entourage du président républicain a immédiatement lancé une contre-attaque agressive pour tenter d’étouffer cette deuxième révélation. La Maison Blanche a accusé The Atlantic de «mentir pour maintenir une nouvelle supercherie», estimant que cette publication révèle des messages qui ne seraient pas aussi top-secret qu’avancé dans le premier article publié lundi. Celui-ci était titré «Le gouvernement Trump m’a envoyé par erreur ses plans de guerre». Le vice-président américain, J.D. Vance, qui participait au groupe de messagerie Signal à l’origine de cette retentissante faille de sécurité militaire, a ainsi accusé ce mercredi The Atlantic d’avoir «survendu» ses révélations.

Donald Trump cherche à minimiser le «pépin»

Le conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, qui avait invité Jeffrey Goldberg dans cette discussion confidentielle, a lui aussi cherché à discréditer l’article du magazine américain : «Pas de localisations. Pas de sources ni de méthodes. PAS DE PLANS D’ATTAQUES», a-t-il dénoncé. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a également ironisé sur l’absence, selon lui, d’informations spécifiques sur les frappes visant les Houthis, décrivant des «plans de guerre foireux» – au sujet des informations partagées par ses collègues.

Toujours est-il que cette bourde laisse planer plus largement des doutes sur la confidentialité des canaux de communications des officiels américains. Notamment concernant l‘émissaire spécial de Trump, Steve Witkoff – également membre du groupe de discussion sur le Yémen –, qui s’est récemment assis à la table de Vladimir Poutine au Kremlin. Selon la Maison Blanche, le négociateur disposait alors «d’une ligne de communication sécurisée mise en place par le gouvernement américain et c’est le seul téléphone qu’il avait en sa possession à Moscou». Justification ensuite reprise par Steve Witkoff, qui s’est dit à l’abri de tentatives d’espionnage électronique russes.

Outre ces informations militaires sensibles, les captures d’écran publiées ce mercredi témoignent une nouvelle fois du peu de cas que fait la garde rapprochée de Donald Trump de ses alliés européens – qui suscitent la «répugnance» en tant que «profiteurs» des capacités militaires américaines – mais aussi israéliens – d’éventuelles représailles houthies sur l’Etat hébreu sont qualifiées de «facteur mineur».

Face au tollé, une partie des lieutenants du président républicain ont été passés sur le gril de la commission du Sénat sur le renseignement mardi. Le sénateur démocrate de Virginie, Mark Warner, a déploré «un exemple de plus de l’attitude négligente, imprudente, incompétente, particulièrement en ce qui concerne les informations classifiées» de l’administration Trump. «Pete Hegseth est un putain de menteur», s’est indignée la démocrate Tammy Duckworth, membre de la commission des forces armées au Sénat. «Ce sont clairement des informations classifiées qu’il a fait fuiter par négligence. Il doit démissionner dans le déshonneur immédiatement», a fulminé la sénatrice. Le sénateur de l’Oregon, Ron Wyden, a quant à lui appelé à la démission du conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz.

Le secrétaire à la Défense en état d’ivresse ?

Les auditions au Capitole se sont poursuivies ce mercredi soir, et ont été encore plus explosives. L’élu démocrate Jimmy Gomez a notamment évoqué les «habitudes de consommation d’alcool» du secrétaire à la Défense Pete Hegseth, questionnant ainsi la possibilité qu’il ait été ivre lorsqu’il textotait les plans militaires sur Signal. Le patron de la CIA, John Ratcliffe, a violemment répliqué, jugeant la remarque «offensante», avant que la scène ne tourne aux hurlements et au chaos.

Pas de quoi ébranler le chef de l’Etat américain, qui a réaffirmé sa «confiance» dans ses troupes, a fait savoir ce mercredi soir la porte-parole de la Maison Blanche. Elle a toutefois précisé qu’«Elon Musk a proposé de mettre ses experts techniques sur le coup pour comprendre comment ce numéro [du journaliste de The Atlantic, ndlr] a été ajouté à la boucle». Peu après, le chef de la diplomatie, Marco Rubio, a reconnu que, «de toute évidence, quelqu’un a fait une erreur – une grosse erreur». La chasse aux sorcières dans la garde rapprochée de Donald Trump peut débuter.

Mis à jour : à 22h02, avec l’ajout de la nouvelle séance au Capitole ce mercredi.