Menu
Libération
Chicken

Théorie du «Taco» : le concept qui rassure Wall Street et hérisse Donald Trump

Inventé par un éditorialiste du «Financial Times» début mai, l’acronyme signifie que les décisions fracassantes du président américain n’ont pas vraiment d’impact, puisqu’il finit toujours plus ou moins par rétropédaler. Sauf que la moquerie pourrait bien l’inciter à ne plus le faire…
Donald Trump, le 28 mai 2025. (Leah Millis/Reuters)
publié le 30 mai 2025 à 18h16

Faire d’une analyse de comptoir une théorie synthétisée par une formule ou, mieux encore, un acronyme : voici les bases du fonctionnement du marketing. Et leur mise en pratique, par un éditorialiste du Financial Times, appliquée à la gouvernance de Donald Trump. Les déclarations quotidiennes du président américain, notamment en matière de politique économique, affolent les marchés financiers du monde entier, et en particulier les banquiers de la Grosse Pomme ? Arrêtons de paniquer, enjoint en substance Robert Armstrong dans son billet daté du 2 mai, intitulé «Le retour surprise du marché américain… et l’essor de la théorie du commerce Taco».

L’acronyme imaginé par le journaliste signifie «Trump always chickens out», que l’on traduira par «Trump se dégonfle toujours». De quoi en déduire le raisonnement suivant : «Les marchés se rendent compte que l’administration américaine ne possède pas une forte tolérance aux pressions économiques et boursières, et qu’elle sera prompte à reculer quand les droits de douane feront souffrir», écrit-il. Exemple à l’appui : le 9 avril, le président américain s’était déjà rétracté en décidant d’une pause sur les droits de douane réciproques très élevés, qu’il souhaitait imposer au reste du monde, face aux pertes considérables enregistrées à Wall Street.

«Moi je me dégonfle ? !»

Deux semaines plus tard, le 23 avril, le même évoquait une «baisse substantielle» des droits de douane avec la Chine, et un «accord équitable». Une trêve dans la guerre commerciale engagée avec Pékin, qui avait redonné de l’air aux marchés financiers. Et pas plus tard que la semaine dernière, Donald Trump a annoncé l’entrée en vigueur dès le 1er juin de droits de douane à 50 % sur les importations venant de l’Union européenne, avant de décréter finalement, deux jours plus tard, une pause jusqu’au 9 juillet. La théorie Taco pourrait donc être résumée très simplement : quoi qu’il en dise, le chef d’Etat américain reste soumis à la bonne santé de la Bourse.

Mais cette métaphore peu flatteuse évoquant l’impuissance dans tous les sens du terme n’a, de façon très étonnante, pas du tout plu à la star des masculinistes. «Moi je me dégonfle ? ! Je n’ai jamais entendu cela !» s’est-il énervé face à la journaliste qui l’interrogeait sur le nouvel acronyme préféré des traders, jeudi 29 mai, dénonçant ce qui constituait selon lui «une sale question».

«Je viens de provoquer une récession en faisant une blague»

Faut-il donc vraiment s’attendre à ce que le chef d’Etat se laisse humilier par Wall Street, en plus d’être limité dans ses pulsions protectionnistes ? L’inventeur du concept semble craindre d’être allé un peu trop loin. «J’ai un peu peur que maintenant qu’il connaît la phrase et qu’elle lui trotte dans la tête, il arrête de se dégonfler, ce qui est exactement le résultat que je ne veux pas», s’est-il inquiété dans une interview donnée à la radio canadienne CBC. «Il existe un scénario horrible, extrêmement improbable mais horrible, dans lequel je viens de provoquer une récession mondiale en faisant une blague idiote», ajoute-t-il dans un podcast du Financial Times.

Une possibilité que valide l’analyste John Hardy, responsable de la stratégie macroéconomique à la banque d’investissement danoise Saxo. «Donald Trump peut effectivement se dégonfler par moments, mais ses politiques sous-jacentes sont bien réelles et constituent un changement très sérieux dans la politique économique et industrielle des Etats-Unis», note-t-il dans un article cité par l’AFP. Heureusement, in marketing we trust.