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Etude

Coupes dans les programmes d’aide humanitaire : Trump sera-t-il responsable de la mort de 4,5 millions d’enfants d’ici à 2030 ?

Une équipe de chercheurs a modélisé, au niveau mondial, le nombre de morts à venir potentiellement attribuable aux restrictions dans les programmes américains. Dans le même temps, le gouvernement a acté la fin de l’USaid.
Lors d'une manifestation d'anciens employés de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international, à Washington, le 27 février. (Manuel Balce Ceneta/AP)
publié le 3 juillet 2025 à 12h59

«America first» et le reste du monde peut bien crever. Les politiques budgétaires de l’administration Trump vont avoir des conséquences dramatiques. A l’horizon 2030, la suppression annoncée de 80 % des moyens de l’USaid, l’agence des Etats-Unis pour le développement international, pourrait être responsable de 14 millions de morts dont 4,5 millions d’enfants de moins de 5 ans. L’estimation a été publiée dans la prestigieuse revue médicale The Lancet, lundi 1er juillet.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont commencé par analyser les actions financées par l’USaid de 2001 à 2021 dans 133 pays. Sur cette période, les programmes soutenus se sont traduits par une réduction de 15 % de la mortalité des populations touchées et de 32 % chez les enfants de moins de 5 ans. Concrètement, en vingt ans, l’agence a permis d’éviter 91 millions de morts dont un tiers en bas âge. Dans les pays où elle intervient, l’USaid réduit de 65 % la mortalité due au VIH, de 53 % celle due à la malaria et de 51 % celle due aux autres maladies tropicales.

C’est dire l’importance de ce programme dans la solidarité internationale. Par exemple, en Côte-d’Ivoire, selon une autre étude scientifique, 90 % du budget du programme de diagnostic du VIH provient des Etats-Unis. Mais l’USaid finance aussi des projets autour de la nutrition, de l’éducation, de l’accès à l’eau, ou encore à des toilettes. «Les citoyens américains versent environ 17 cents par jour à l’USaid, soit environ 64 dollars par an. Je pense que la plupart des gens soutiendraient le maintien du financement de l’USaid s’ils savaient combien une si petite contribution peut être efficace pour sauver des millions de vies», a déclaré James Macinko, coauteur de l’étude et professeur à l’université de Californie (UCLA), cité dans un communiqué de presse.

«Le 1er juillet, l’USaid cessera officiellement de mettre en œuvre l’aide à l’étranger»

Hasard du calendrier, cette publication est survenue le même jour que la mort officielle de l’USaid. «Le 1er juillet, l’USaid cessera officiellement de mettre en œuvre l’aide à l’étranger. Les programmes d’aide à l’étranger seront administrés par le département d’Etat», a écrit le secrétaire d’Etat Marco Rubio dans un message relayé par ses services. Il défend un nouveau modèle d’aide centré sur «les pays qui ont démontré à la fois leur capacité et leur volonté de s’aider eux-mêmes» en donnant la priorité au commerce plutôt qu’à l’aide et à l’investissement dans l’objectif d’avoir «un effet multiplicateur et de catalyser le secteur privé durable, y compris les entreprises américaines, et l’investissement mondial». Son équipe a répondu aux affirmations avancées par les chercheurs. Ces études «se basent sur de fausses présomptions sur ce que nous faisons» et «supposent que la disparition de l’agence USaid entraînera l’absence d’assistance étrangère ou d’aide vitale, ce qui n’est tout simplement pas vrai», a rétorqué à des journalistes un haut responsable américain sous couvert de l’anonymat. Pourtant, en décidant de supprimer l’USaid, Trump déstabilise largement le système d’aide internationale. L’agence créée en 1961 sous John F. Kennedy gérait un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, qui représentait à lui seul 42 % de l’aide humanitaire déboursée dans le monde.