Quatre personnes ont été tuées lundi 28 juillet en plein New York, et une cinquième se trouve hospitalisée dans un état critique après la fusillade la plus meurtrière connue en ce siècle par la ville la plus peuplée des Etats-Unis. L’unique suspect a été retrouvé mort, après s’être manifestement suicidé d’une balle dans la poitrine. Parmi les victimes figure un agent de la police de New York, employé en uniforme à la sécurité de l’immeuble du cœur de Manhattan où le tireur a fait feu lundi, peu avant 18 h 30, heure locale.
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Le suspect a été identifié comme Shane D. Tamura, un citoyen américain de 27 ans, domicilié à Las Vegas, où il avait fait sa vie après avoir quitté son Hawaï natal, et obtenu à la fois un permis de port d’armes et une licence de détective privé. Exempt de casier judiciaire, il présentait, selon les premières investigations des forces de l’ordre, certains antécédents psychiatriques. Il aurait fait la route en voiture presque d’une traite depuis le Nevada ces trois derniers jours, pour arriver à New York moins de deux heures avant de laisser son véhicule en double file aux abords du 345, Park Avenue – un gratte-ciel logé juste au nord de la gare de Grand Central, consistant en 44 étages de bureaux, parmi lesquels ceux du fonds d’investissement Blackstone et le siège de la NFL, la Ligue nationale de football américain.
Selon le maire de New York, Eric Adams, le tireur avait dans son portefeuille un mot dans lequel qui semblait accuser cette dernière d’être responsable de sa lésion cérébrale. D’après les informations de Bloomberg, Tamura aurait aussi affirmé par écrit que sa carrière de footballeur avait été interrompue à cause de cette lésion. «La note faisait allusion au fait qu’il pensait souffrir d’une encéphalopathie traumatique chronique, une lésion cérébrale connue chez les personnes qui pratiquent des sports de contact», a détaillé le maire dans une interview accordée à CBS. Tamura n’a pourtant jamais été joueur de la NFL, mais des archives en ligne indiquent qu’il a joué au football américain à haut niveau lorsqu’il était au lycée. Eric Adams a également affirmé que l’enquête préliminaire indique que le tireur a pris le mauvais ascenseur et, au lieu d’arriver au siège de la NFL, s’est retrouvé chez Rudin Management, propriétaire du bâtiment.
«Mission suicide»
Les images de vidéosurveillance montrent la silhouette déliée du jeune homme, en baskets, chemise bleue et lunettes noires, se diriger vers l’immeuble d’un pas sûr, sans chercher en rien à dissimuler le fusil militaire M4 qu’il tient au poing. Une attitude déchiffrée par de multiples experts cités dans les médias américains comme le signe que Tamura s’engageait là dans une «mission suicide», sans projet d’en réchapper. Selon la reconstitution des événements livrée par les autorités new-yorkaises lors d’un premier point presse dans la soirée, sa première victime (et la seule identifiée à cette heure) aurait été l’officier de police Didarul Islam, pris pour cible aussitôt le tireur entré dans le hall. Puis celui-ci aurait abattu une femme qui tentait de se mettre à l’abri derrière un pilier, avant de traverser le lobby vers les ascenseurs en arrosant de balles, à l’encontre notamment d’un vigile retranché derrière un poste de sécurité. Un quatrième homme aurait alors également été touché.
Lorsque l’ascenseur s’est ouvert, une femme en est sortie, que le tireur aurait laissée passer et s’enfuir indemne avant de filer au 33e étage, où se trouvent les locaux de la société immobilière Rudin Management. Là, il aurait assassiné une dernière femme, employée de l’entreprise, et parcouru l’étage en tirant des coups de feu tandis que les autres personnes présentes détalaient à travers les bureaux. Avant de retourner son arme contre lui. Au total, outre quelques personnes blessées légèrement en cherchant à s’enfuir ou se barricader, cinq victimes ont été touchées, dont quatre sont mortes, auxquelles s’ajoute le tireur. A l’intérieur de la BMW noire abandonnée par ce dernier, les enquêteurs ont trouvé tout un arsenal : un étui à fusil, un revolver chargé, des chargeurs de munitions, un sac à dos et des médicaments prescrits à l’ordre de Tamura. Aucun signe d’explosifs n’y a été décelé après un examen approfondi.
«Acte insensé»
Lui-même ancien officier de la police new-yorkaise, le maire, Eric Adams, est apparu la voix brisée devant les journalistes massés à l’hôpital presbytérien de New York, quelques heures après le drame. «Nos cœurs sont lourds. Cinq personnes innocentes ont été frappées ce soir», a-t-il déclaré, évoquant «un nouvel acte insensé de violence par arme à feu». Parmi les victimes, il a souligné combien l’agent Didarul Islam, 36 ans, incarnait selon lui «ce qu’est véritablement New York» : «C’est un immigrant du Bangladesh, et il aimait cette ville. Tout le monde avec qui nous avons parlé a déclaré que c’était une personne de foi et une personne qui croyait en Dieu et en une vie pieuse.»
Marié et père de deux jeunes garçons, Didarul Islam attendait avec sa femme leur troisième enfant. Il comptait trois ans et demi d’ancienneté dans la police new-yorkaise, où il était affecté au 47e commissariat du Bronx. Il se trouvait ce jour-là parmi les deux officiers employés dans l’immeuble dans le cadre d’un programme qui permet aux entreprises privées de renforcer leur sécurité en employant des agents en uniforme prêts à sacrifier leurs jours de congé pour arrondir leurs fins de mois. «Il faisait le travail que nous lui avions demandé de faire. Il s’est mis en danger. Il a fait le sacrifice ultime, a déclaré la préfète de la police de New York, Jessica Tisch, manifestement très émue. Abattu de sang-froid en portant l’uniforme, en accomplissant la promesse qu’il avait faite à cette ville. Il est mort comme il a vécu : en héros.»
La ville de New York n’est pas accoutumée à pareil carnage et ne connaît que rarement de fusillades impliquant des armes longues semi-automatiques. Elle n’avait rien connu de tel depuis un quart de siècle, quand l’ancien employé d’un fast-food dans le Queens avait tué sept de ses ex-collègues au cours d’une tentative de braquage, un soir de mai 2000. Il s’agit là en revanche la 254e fusillade de masse (au moins quatre victimes blessées ou tuées, hors tireur) recensée aux Etats-Unis cette année, selon les données de l’organisation Gun Violence Archive. Au Nevada, où résidait Tamura, il suffit d’une pièce d’identité et de ne présenter aucun antécédent judiciaire significatif pour acquérir l’arme militaire avec laquelle il a semé la mort lundi soir, à quelque 4 000 kilomètres de chez lui.
Mise à jour à 15 h 32 avec les déclarations du maire de New York sur le mot laissé par le tireur.