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Libération
#MeToo

Accusé d’agression sexuelle sur une collègue, un ancien espion de la CIA acquitté en appel

Ashkan Bayat était accusé par Rachel Cuda de l’avoir agressée sexuellement sur leur lieu de travail en 2022, au sein des services de renseignements. D’abord condamné pour violences volontaires et non pour agression sexuelle, il a finalement été acquitté au terme du procès en appel.
Extrait de la vidéo de l'interview de Rachel Cuda sur la chaîne CBS. (CBS)
publié le 29 octobre 2024 à 10h30
(mis à jour le 31 octobre 2024 à 17h31)

«Une agression sexuelle n’est pas un secret d’Etat.» L’ancienne espionne de la CIA Rachel Cuda avait décidé de briser le silence qui règne au sein de l’agence de renseignement, en rendant publique l’accusation d’agression sexuelle qu’elle rapportait avoir subi des mains de son collègue Ashkan Bayatpour. Ses révélations, faites à l’édition américaine du magazine Elle, avaient fait l’effet d’un coup de tonnerre, alors que débutait cette semaine le procès en appel qu’elle a intenté contre son agresseur. Mercredi 30 octobre, le verdict est tombé : le prévenu est acquitté lors du procès en appel, où ce n’était plus à des magistrats de trancher à mais à un jury populaire, annonce le Washington Post.

Avant le début du procès, Rachuel Cuda s’était livrée à Elle pour la première fois, racontant son arrivée en 2022 au sein de la prestigieuse agence. Elle raconte y avoir été agressée par un collègue dans une cage d’escalier, et rapporte qu’il aurait tenté de l’embrasser de force et de l’étrangler avec un foulard. «J’ai eu une longue carrière dans des secteurs dominés par les hommes, mais rien de tel ne m’était jamais arrivé auparavant. La CIA m’a clairement fait comprendre qu’elle n’allait pas me protéger», avait-elle confié dans les pages du magazine.

De son côté, Ashkan Bayatpour assure avoir seulement entouré ses épaules du foulard, et nie catégoriquement les faits qui lui sont reprochés. Au Wasington Post, l’ancien espion assure «n’avoir d’aucune façon mis en danger cette personne, ni ne l’ai blessée ou tenté de l’embrasser». Lors du premier procès en août 2023 devant le tribunal de l’Etat de Virginie, où se trouve le siège de la CIA, la justice américaine avait condamné l’homme pour «coups et blessures», et non pas pour agression sexuelle, et celui-ci fait appel. Un an plus tard, il est complètement acquitté. Après le verdict celui-ci s’est plaint d’avoir été «accusé à tort ces deux dernières années», mais a aussi déclaré que «ce genre d’allégations doit être pris au sérieux et faire l’objet d’une enquête approfondie», ajoutant : «Je veux être très clair : je crois les femmes. Il s’agit simplement de ma situation.»

Ils voulaient protéger la réputation de la CIA

Même si le verdict n’est pas celui qu’espérait Rachel Cuda, sa prise de parole aura au moins permis une prise de conscience de la part de la CIA. Lors qu’elle s’était adressée à ses employeurs en 2022, ils ne lui avaient apporté aucun soutien. «Nous ne vous dirons pas où se trouve votre agresseur. Nous ne vous protégerons pas de lui», lui avaient-ils rétorqué alors qu’elle demandait du secours. «Ils voulaient protéger la réputation de la CIA au lieu de protéger leur propre personnel», avait-t-elle déploré lors de son entretien avec Elle.

La CIA lui aurait demandé de taire le nom de l’agence si elle entamait des procédures judiciaires, lui assurant qu’elle violerait alors la politique de confidentialité autour de l’institution. Elle avait alors décidé de porter plainte, alors qu’une enquête interne avait blanchi son agresseur.

Ouvrir la voie

«Je suis la première à franchir le pas, clamait Rachel Cuda lors de l’interview. Je vais m’en charger, pour que d’autres puissent le faire après moi.» L’ancienne agente avait vu juste, car après elle, des dizaines de femmes travaillant au sein de la CIA ont également entamé des procédures judiciaires pour témoigner de harcèlement et d’agressions sexuelles, notamment devant une commission d’enquête du congrès.

Tant et si bien que la puissante agence de renseignement a ouvert une enquête à ce sujet, admettant que «la formation des employés sur la manière d’identifier et de signaler les cas d’agression sexuelle et de harcèlement est inefficace», et que «la procédure de signalement est confuse et désordonnée». La CIA reconnaît également le fait que les victimes aient été dissuadées de se manifester, en raison d’injonctions à la confidentialité dans leur travail. Le communiqué de l’agence se conclut avec l’annonce d’une nouvelle procédure, invitant désormais les victimes à témoigner, assurant que cette fois, elles seront soutenues.

Mis à jour : le 31 octobre avec le verdict en appel.