Soudain, le visage de Julian Assange apparaît sur le téléphone de son épouse. Pour la première fois depuis 2019, le légendaire Australien aux cheveux blancs et à la barbe hirsute a pu téléphoner à sa famille en homme libre – ou presque. Poursuivi pour avoir exposé au grand jour des centaines de milliers de documents confidentiels, le lanceur d’alerte de 52 ans a quitté mardi 24 juin la prison de haute sécurité de Belmarsh, près de Londres, où il était incarcéré depuis 1901 jours.
Une vidéo de treize secondes, déjà devenue virale, montre le fondateur de WikiLeaks en train de grimper à bord d’un avion privé en direction d’un tribunal fédéral américain dans le Pacifique, où il doit plaider coupable, mercredi matin, aux termes d’un accord qui lui permettra de retrouver sa liberté. Désormais poursuivi pour un seul chef d’inculpation («complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale»), il devrait être condamné à soixante-deux mois de prison, déjà purgés en détention provisoire, ce qui lui permettrait de regagner son Australie natale. Il y retrouvera sa femme, Stella Assange, et leurs deux enfants, qui n’ont connu leur père que derrière les barreaux. Selon des sources proches du dossier, un discret ballet diplomatique australo-américano-britannique aurait permis de dénouer cette affaire.
«Diplomatie secrète»
Cet accord, qui met un terme à une éprouvante saga de quatorze ans, a provoqué de nombreuses réactions à travers le monde. «Julian est libre !!!! Les mots ne peuvent exprimer notre immense gratitude envers VOUS – oui VOUS, qui vous êtes tous mobilisés depuis des années et des années pour que cela se réalise. MERCI. merci. MERCI», a exulté sur X son épouse, selon laquelle «la priorité est à présent que Julian retrouve la santé.» elle a aussi lancé un appel aux dons pour payer les 520 000 dollars (485 000 euros) que son époux doit rembourser au gouvernement australien pour l’affrètement de l’avion qui doit l’emmener en Australie. La mère du lanceur d’alerte, Christine Assange, s’est pour sa part dite «reconnaissante que le calvaire de [son] fils touche enfin à sa fin. Cela montre l’importance et le pouvoir de la diplomatie discrète».
Julian is free!!!!
— Stella Assange #FreeAssangeNOW (@Stella_Assange) June 25, 2024
Words cannot express our immense gratitude to YOU- yes YOU, who have all mobilised for years and years to make this come true. THANK YOU. tHANK YOU. THANK YOU.
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L’organisation WikiLeaks, fondée par Julian Assange en 2006 et qui publie des documents classifiés, s’est félicitée du résultat d’une «campagne mondiale qui a rassemblé des organisateurs locaux, des militants de la liberté de la presse, des législateurs et des dirigeants de tout l’échiquier politique, jusqu’aux Nations unies», estimant que «Julian a payé sévèrement pour ces principes et pour le droit du peuple à savoir.»
Réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres de 2012 à 2019, l’Australien a passé cinq longues années dans une cellule de deux mètres sur trois, isolé vingt-trois heures par jour, selon WikiLeaks. Ses proches l’ont longtemps décrit comme très diminué physiquement, tandis que sa défense n’a cessé d’alerter sur le risque qu’il se suicide. Julian Assange se battait pour ne pas être extradé aux Etats-Unis, où il encourait en théorie 175 ans d’emprisonnement. «Le moment que nous attentions est enfin arrivé, a de son côté réagi Amnesty International. Julian Assange est en route vers la liberté. Le combat pour la liberté de la presse continue.»
Heureux dénouement
L’ONU a également salué la fin de l’incarcération du lanceur d’alerte : «La détention de plus en plus prolongée de Julian Assange a soulevé des sujets de préoccupation, a réagi Elizabeth Throssell, une porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Nous continuerons de suivre l’évolution de la situation au cours des prochains jours.»
L’organisation Reporters sans frontières, qui a elle aussi œuvré pour la libération du cybermilitant, a déclaré que ses membres sont «extrêmement soulagés que ces poursuites aient enfin pris fin. C’est une victoire pour le journalisme et la liberté de la presse». Le gouvernement australien a commenté cet heureux dénouement, estimant que l’affaire Assange avait «traîné en longueur depuis trop longtemps» et que son maintien en détention ne présentait plus aucun intérêt.