C’est la fin d’une longue enquête policière et judiciaire. Nom de code : «Varsity Blues». William «Rick» Singer a été condamné à trois ans et demi de prison, ce mercredi à Boston. Il était le cerveau d’une opération de corruption visant à garantir l’accès d’enfants de milieux aisés aux plus prestigieuses universités américaines. Une affaire qui a éclaboussé de riches et célèbres familles américaines. Acteurs, célébrités, avocats, financiers, entraîneurs et complices en tout genre… En tout, plus d’une cinquantaine de personnes ont déjà été condamnées ces dernières années pour avoir participé à une vaste fraude qui aura duré plus de dix ans.
Ne restait plus qu’à juger William «Rick» Singer qui avait plaidé coupable lorsque l’affaire avait été rendue publique en 2019 et coopéré depuis avec la justice. C’est chose faite. Outre la prison, il a été condamné ce mercredi à restituer plus de 10 millions de dollars au fisc américain et voit ses actifs et une partie de sa fortune confisquée à hauteur de 8,7 millions de dollars, a indiqué le bureau du procureur fédéral de l’Etat du Massachusetts.
25 millions de dollars en dix ans
Tout commence lorsque le FBI ouvre une enquête en 2011. 33 parents de lycéens sont accusés de fraude et conspiration pour avoir fait admettre illégalement leurs enfants dans les universités de Yale, Georgetown, Stanford, University of California, Los Angeles ou University of Southern Carolina. Ce système de corruption était orchestré par Rick Singer via ses deux sociétés The Edge College & Career Network, qui offraient des services d’orientation scolaire et de préparation aux examens.
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En échange de grosses sommes d’argent des parents, Rick Singer envoyait leurs rejetons passer leurs concours d’admission à Houston ou Los Angeles, là où il avait soudoyé des examinateurs pour qu’ils améliorent leurs réponses. Il a aussi payé des coachs sportifs des universités afin qu’ils attribuent aux lycéens des places dans leurs équipes afin de faciliter leur admission. Il falsifiait également leurs CV pour les rendre plus compatibles et attractifs. L’enquête avait également révélé que certains candidats blancs s’étaient fait passer pour des personnes noires afin de bénéficier de la discrimination positive.
Selon la justice, Rick Singer avait au total touché 25 millions de dollars et en avait reversé environ 7 millions en pots-de-vin à des entraîneurs universitaires ou des superviseurs d’examens. L’enquête rendue publique en mars 2019 avait mis en cause plusieurs clients de Singer, qui ont dû rendre des comptes devant la justice : l’actrice de la série Desperate Housewives Felicity Huffman, l’avocat associé du célèbre cabinet new-yorkais Willkie Farr & Gallagher, Gordon Caplan, le designer de mode Mossimo Giannulli et sa femme, l’actrice américaine, Lori Loughlin. Cette dernière a effectué en 2020 deux mois de prison après avoir admis, avec son mari, avoir payé 500 000 dollars pour faire entrer leurs deux filles à l’université de Californie du Sud.
Un système universitaire injuste
L’opération Varsity Blues est la plus vaste enquête de démantèlement d’un système de corruption dans l’éducation aux Etats-Unis. Elle a permis de mettre en lumière le système inégalitaire des universités américaines. Alors que beaucoup d’étudiants échouent aux portes d’entrée, pour une famille aisée, il suffit généralement de faire une généreuse donation aux grandes universités pour garantir une place à son enfant, de manière totalement légale. Jared Kushner, le mari d’Ivanka Trump, a bénéficié de ce coup de pouce grâce à son père qui a fait un don de 2,5 millions de dollars à l’université d’Harvard, l’année où son fils avait postulé.
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«William Singer a été l’architecte et le cerveau d’une entreprise criminelle qui a massivement corrompu l’intégrité du processus d’admission à l’université – qui favorise déjà ceux qui ont de la richesse et des privilèges – à un degré jamais vu auparavant dans ce pays», expliquent les procureurs dans le dossier d’enquête. Pour le procureur adjoint Stephen Frank, «c’était un stratagème à couper le souffle par son ampleur et son audace. C’est littéralement devenu l’étoffe des livres et des films faits pour la télévision».