«Ce que nous vivons en ce moment au Venezuela, c’est un régime qui criminalise l’activité politique et la campagne électorale». Maria Corina Machado, leader de l’opposition politique de droite anti-chaviste, a dénoncé lundi 17 juin lors d’une conférence de presse les 37 arrestations et détentions «arbitraires» de militants et représentants de l’opposition ou de la société civile faites depuis le début de l’année par un gouvernement vénézuélien jugé «tyrannique». Près de la moitié visaient ses collaborateurs, en particulier des membres de son parti Vente Venezuela et de la direction de campagne de l’opposition.
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A moins de six semaines de l’élection présidentielle, qui se tiendra le 28 juillet, jour de naissance de l’ancien président Hugo Chávez, l’opposition dénonce la corruption du gouvernement, ses liens très étroits avec l’appareil judiciaire qui a jugé en janvier la très populaire Maria Corina Machado inéligible, ainsi que la «persécution politique» des militants opposés à Nicolas Maduro.
Emmenés dans un ancien centre commercial transformé en prison
Depuis l’éviction de Maria Corina Machado, donnée largement favorite dans les sondages, pour «soutien aux ennemis de la partie», et de sa suppléante désignée Corina Yoris, dont le Conseil national électoral n’a jamais approuvé la candidature, c’est le diplomate Edmundo González Urrutia qui affrontera dans les urnes le président sortant, en lice pour un troisième mandat de six ans.
Les deux plus récentes arrestations ont eu lieu lundi à Caracas, non loin du siège de l’opposition. Leur motif : «incitation à la haine et association de malfaiteurs pour le simple fait d’avoir accompagné notre candidat Edmundo Gonzalez [Urrutia] à un rassemblement politique», s’insurge Maria Corina Machado. Les deux interpellés auraient été immédiatement emmenés à El Helicoide, ancien centre commercial transformé en prison, siège de la direction des services de renseignement vénézuéliens (Disip), un «centre de torture» selon les organisations des droits humains.
Dans son rapport d’avril sur la répression politique au sein du pays, l’organisation vénézuélienne de défense des victimes de détentions arbitraires, Foro Penal, rapporte les témoignages de plusieurs prisonniers politiques et de leurs familles. Elle dénonce les conditions de détention en isolement complet, l’étroitesse des cellules et le protocole de visites singulièrement strict.
278 «prisonniers politiques»
Le gouvernement mène une persécution «sans relâche» de la société civile et de toute forme de dissidence politique, titrait Amnesty International le 15 avril. Ana Piquer, directrice des Amériques pour l’ONG, explique que ces sanctions et arrestations «ne sont pas des événements nouveaux ni isolés», mais une part clé de la stratégie politique du gouvernement actuel pour maintenir son «emprise continue sur le pouvoir». Amnesty International dénonce, dans une déclaration publique parue le même jour, une «augmentation des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des abus du droit pénal, des violations des garanties d’un procès équitable […] et d’éventuels actes de torture» contre des supposés dissidents au pouvoir de Maduro. L’ONG Foro Penal compte à l’heure actuelle, au Venezuela, 278 «prisonniers politiques». L’une des plus connues est l’avocate Rocío San Miguel, spécialiste des questions de défense et directrice de l’ONG Control Ciudadano.
Malgré la répression politique et la série d’obstacles imposée par le gouvernement à l’opposition, trois sondages menés par les instituts vénézuéliens Datincorps, ORC Consultores et Meganalisis entre fin avril et début mai, donnent le candidat finalement porté par l’opposition, Urrutia, largement en tête, avec 50 % à 61,1 % des intentions de vote estimées.