Menu
Libération
C'est non

Venezuela : l’armée rejette l’appel à reconnaître l’opposant Edmundo González Urrutia comme président

L’opposant, qui revendique la victoire à la présidentielle du 28 juillet, a lancé ce lundi 6 janvier un appel dans une vidéo à le reconnaître comme président, à quatre jours de l’investiture du sortant Nicolás Maduro.
Le ministre vénézuélien de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, s'adresse aux médias, accompagné du haut commandement militaire des forces armées, au ministère de la Défense, à Caracas, Venezuela, le 6 janvier 2025. (Venezuela's Defence Ministry/Reuters)
publié le 6 janvier 2025 à 21h59
(mis à jour le 7 janvier 2025 à 9h57)

Même exilé loin d’Amérique du Sud, Edmundo González Urrutia continue de crisper les autorités vénézuéliennes. Lundi 6 janvier, le pays a rompu ses relations avec le Paraguay pour son soutien à l’opposant, qui revendique la victoire à la présidentielle du 28 juillet face à Nicolás Maduro, proclamé vainqueur d’un scrutin contesté et entaché de fraude selon l’opposition. «Le Venezuela a décidé, dans le plein exercice de sa souveraineté, de rompre ses relations diplomatiques avec la république du Paraguay et de procéder au retrait immédiat de son personnel diplomatique accrédité dans le pays», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

Edmundo González Urrutia avait déjà échaudé l’armée vénézuélienne plus tôt dans la journée, après l’avoir enjointe à soutenir sa victoire dans une vidéo. «Nous avons vu avec une profonde indignation une vidéo publiée […] par le lâche Edmundo González Urrutia», a répondu le général Vladimir Padrino, ministre de la Défense de ce pays sud-américain secoué par des troubles post-électoraux qui ont fait 28 morts, 200 blessés et 2 400 arrestations, cet été. Il «s’adresse sans vergogne et avec insolence aux forces armées nationales bolivariennes. Nous rejetons catégoriquement et avec une véhémence absolue cet acte clownesque et bouffon», a ajouté le haut gradé, tout en jurant «fidélité, obéissance et subordination solennelles» au président Maduro.

Bras de fer

Au pouvoir depuis 2013, le président socialiste est engagé dans un bras de fer avec l’opposition et une partie de la communauté internationale qui contestent sa réélection. Sa victoire a été validée par la Cour suprême après qu’il a été proclamé vainqueur avec 52 % des voix par le Conseil national électoral (CNE).

Les procès-verbaux des bureaux de vote n’ont cependant pas été publiés, comme le prévoit la loi, en raison officiellement d’un piratage informatique, ce qui est jugé peu crédible par de nombreux observateurs. L’opposition, qui a publié les procès-verbaux fournis par ses scrutateurs, assure que son candidat Edmundo González Urrutia, un ancien ambassadeur de 74 ans, a obtenu plus de 67 % des voix.

«Le monde entier doit savoir que le 10 janvier, nous ratifierons l’engagement total envers la démocratie vénézuélienne et reconnaîtrons le citoyen Nicolás Maduro comme président constitutionnel […] réélu pour la période de 2025 à 2031», a ajouté le général Padrino qui avait donné des gages de fidélité au chef de l’Etat dès le surlendemain du scrutin.

Successeur désigné d’Hugo Chávez en 2013, considéré comme un syndicaliste sans envergure par ses détracteurs, il a su se maintenir au pouvoir en dirigeant le pays pétrolier d’une main de fer. Ancien lieutenant-colonel, Chávez avait particulièrement choyé l’armée, lui confiant des postes clé dans l’administration et l’économie, et octroyant le droit de vote aux militaires en 1999. Son successeur a été plus loin en permettant à de nombreux officiers de s’enrichir, selon l’opposition et des experts.

Outre les armes, les forces armées contrôlent aujourd’hui les sociétés minières, pétrolières et de distribution alimentaire, ainsi que les douanes et 12 des 34 ministères, dont des portefeuilles importants tels que le Pétrole, la Défense, l’Intérieur ou le Commerce.

«Le calme dans les casernes»

Edmundo González Urrutia, lui, a pu partir en exil en septembre en Espagne. Il effectue actuellement une tournée diplomatique, tandis que la grande figure d’opposition María Corina Machado a appelé à des manifestations le 9 janvier. «Nous savons tous qui est le président élu. Les Vénézuéliens le savent, les forces armées le savent, Maduro le sait, le monde entier le sait», a affirmé lundi celle qui vit dans la clandestinité.

Dans sa vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Edmundo González Urrutia annonce aussi son retour dans le pays le 10 janvier, jour prévu de l’investiture du président Maduro pour un troisième mandat (2025-2031). «Le 10 janvier, par la volonté souveraine du peuple vénézuélien, je dois assumer le rôle de commandant en chef», estime l’opposant.

«Je le recevrai avec plaisir», a ironisé lundi lors d’une conférence de presse le ministre de l’Intérieur Diosdado Cabello. «Que M. González Urrutia le sache, à peine il aura posé un orteil au Venezuela, il sera arrêté Le dirigeant a aussi estimé que l’appel de Edmundo González Urrutia au soutien de l’armée était resté sans écho, en assurant que «le calme régnait dans les casernes».

Un large déploiement de forces de sécurité a en revanche été ordonné dans les rues. «Le Venezuela est en paix. Ceux qui veulent troubler la paix, paieront les conséquences», a aussi averti Diosdado Cabello. Sur les plus de 2 400 personnes arrêtées, au moins trois personnes arrêtées sont mortes en prison. La majeure partie ont depuis été libérées selon le parquet vénézuélien : «Un total de 146 réexamens (de dossier) ont été accordés le 3 janvier, soit 1 515 remises en liberté», selon un communiqué. Les personnes arrêtées, parmi lesquelles une centaine d’adolescents, étaient poursuivies pour «terrorisme» et d’autres délits, et avaient été incarcérées en prison de haute sécurité.