Des secteurs essentiels de l’économie européenne vont être concernés par des droits de douane américains de 15 % à compter du 1er août, selon l’accord annoncé dimanche 27 juillet par le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Pour l’Europe, cette difficulté supplémentaire à l’export, bien qu’inférieure aux 30 % dont menaçait Donald Trump, s’ajoute à la remontée de l’euro face au dollar, qui depuis le début de l’année a déjà renchéri pour les clients américains, les biens qu’elle produit.
Cet accord intervient dans un contexte où la relation commerciale USA-UE représente 30 % des échanges mondiaux, avec 1 680 milliards d’euros de biens et services échangés en 2024, selon le Conseil européen. Sur les biens (867 milliards d’euros), les Etats-Unis, premier partenaire de l’UE (plus de 20 % de ses exportations), affichaient en 2024 un déficit de 198 milliards d’euros. En revanche sur les services, les États-Unis étaient excédentaires, à 148 milliards.
L’aéronautique : un secteur épargné
Stratégique, le secteur aéronautique est exempté de droits de douane. Au salon du Bourget début juin en France, le patron d’Airbus Guillaume Faury avait espéré leur remise à zéro, tout comme son homologue chez l’américain Boeing, Kelly Ortberg : «Nous ne sommes pas en mesure de répercuter ces coûts sur nos clients», avait déclaré Kelly Ortberg à Aviation Week.
Les droits de douane américains pesaient lourd sur ce secteur très mondialisé. Depuis mars, une surtaxe de 50 % s’appliquait sur les importations d’aluminium et d’acier, matériaux phares de l’aéronautique. Et l’ensemble des équipements (dont les avions) importés d’Europe devaient s’acquitter d’une surtaxe de 10 %.
Deal
L’industrie automobile : des droits ramenés à 15%
La taxation de l’automobile européenne redescend à 15 %, au lieu de 2,5 % avant le retour de Trump à la Maison Blanche et contre 27,5 % depuis avril. Pour le secteur des transports, l’accord de dimanche est une amélioration. Après la surtaxe de 27,5 %, les livraisons de Volkswagen allemandes avaient, par exemple, reculé au premier semestre. L’industrie automobile européenne a vendu en 2024 près de 750 000 voitures pour 38,5 milliards d’euros, selon l’Association européenne des constructeurs (ACEA). L’Allemagne en produit la majorité, notamment des berlines, SUV et sportives premium de chez Audi, Porsche, BMW, Mercedes.
Luxe, cosmétiques, équipements industriels et électroniques : pas de régime d’exception
Le luxe ne devrait a priori pas faire l’objet d’un régime d’exception, avec l’application des 15 %. Ces dernières semaines ont vu Bernard Arnault, patron du géant français LVMH, se démener pour limiter les surtaxes, auprès des dirigeants européens comme de Donald Trump. In fine, pour LVMH, un droit de douane de 15 % «serait un bon résultat», avait estimé jeudi 24 juillet sa directrice financière, le groupe estimant pouvoir compenser par une hausse de prix et une «optimisation de production», notamment aux Etats-Unis, où il réalise un quart de ses ventes.
Le numéro un mondial du luxe a annoncé l’ouverture d’un 4e atelier Louis Vuitton, au Texas. En mai, son concurrent François-Henri Pinault, du groupe Kering qui détient Gucci ou Balenciaga, avait lui déclaré que «ça n’aurait pas de sens d’avoir des sacs Gucci italiens fabriqués au Texas».
Les cosmétiques de marques françaises et italiennes sont par ailleurs également très vendues aux Etats-Unis : en 2024, L’Oréal y a réalisé 38 % de son chiffre d’affaires. Son directeur général évoquait en avril la possibilité d’y relocaliser une part de la production.
Machines et équipements industriels mais aussi électriques et électroniques sont largement exportés vers les USA (90 et 45 milliards d’euros annuels respectivement, selon Eurostat). À ce stade, l’impact sur les sociétés semble inégal.
Le français Legrand (équipements électriques) estimait en mai le coût des surtaxes entre 150 et 200 millions d’euros, mais a confirmé ses objectifs. Il compte compenser par des hausses de prix ponctuels et des pays de fabrication à plus faibles tarifs, mais pas de «rapatriation massive aux Etats-Unis», a dit son directeur général.
En juillet, Nokia, équipementier finlandais de télécommunications qui réalise 30 % de ses ventes aux Etats-Unis, a en revanche revu à la baisse ses perspectives pour 2025, du fait en partie de ces droits de douane.
Vins et spiritueux, médicaments : le flou
«Certains produits agricoles» seront exemptés de taxation à 15 %, a rassuré Ursula von der Leyen, sans pour autant en préciser la liste. Dans un contexte où les Etats-Unis sont le premier exportateur de l’UE. En 2024, l’Union européenne a exporté pour 8 milliards d’euros d’alcools, dont plus de 5 milliards de vins.
La France représente environ la moitié : 2,4 milliards d’euros de vin et 1,5 milliard de spiritueux ont été écoulés aux Etats-Unis (environ 25 % de ses exportations). Pour l’Italie c’est environ 2 milliards d’euros de vin exportés. La Suède écoule aux États-Unis sa vodka, l’Irlande son whisky…
Les vins de Bordeaux par exemple y réalisent 20 % de leur chiffre d’affaires. «A 10 % ou 15 % (de droits de douane), on trouvera des solutions», expliquait alors Philippe Tapie, président de Bordeaux Négoce, avant l’annonce de dimanche. Mais «à 30 %, non. C’est la fin de l’histoire», craignait-il. D’autres produits alimentaires (fromages, conserverie, etc.) forment un poste d’exportation majeure.
Les produits pharmaceutiques sont les produits aujourd’hui les plus exportés depuis l’Europe vers les Etats-Unis, pour près de 120 milliards d’euros en 2024 (22,5 % du total des biens exportés), selon Eurostat. Jusqu’ici exemptés de droits de douane, ils ne bénéficieront pas de traitement particulier, a prévenu Donald Trump dimanche 27 juillet, sans toutefois donner davantage de précisions.