Raidissement des relations entre Kyiv et Washington, épisode 2. Donald Trump a qualifié mercredi 19 février Volodymyr Zelensky de «dictateur sans élection», en référence au fait que le mandat du président ukrainien, qui aurait dû expirer en mai 2024, a été de facto prolongé par la loi martiale votée en raison de la guerre. «Zelensky devrait se dépêcher ou il ne va pas lui rester de pays», a poursuivi le républicain dans une violente logorrhée sur sa plateforme Truth Social.
«J’adore l’Ukraine, mais Zelensky a fait un boulot épouvantable», a-t-il ajouté, avant de poursuivre toujours aussi prolixe : «Réfléchissez-y, un comédien au succès modeste, Volodymyr Zelensky, a persuadé les Etats-Unis d’Amérique de dépenser 350 milliards de dollars pour s’engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée, qui n’aurait jamais dû commencer, mais une guerre que, sans les Etats-Unis ou ”TRUMP”, il ne pourra jamais régler.» Et d’achever : «Il refuse de tenir des élections, est très bas dans les sondages ukrainiens, et la seule chose à laquelle il était bon a été de mener Joe Biden à la baguette.» Fermez le ban.
«Vous n’auriez jamais dû commencer la guerre»
Cette nouvelle série de violentes accusations succède à celles formulées la veille en conférence de presse. Donald Trump y avait enchaîné les allégations, fausses ou infondées, sur l’impopularité de son homologue, un détournement des aides américaines et était même allé jusqu’à l’accuser d’être responsable de l’invasion russe.
Interrogé dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride, le milliardaire républicain avait tempêté contre Volodymyr Zelensky, qui avait eu l’outrecuidance de critiquer les discussions russo-américaines mardi en Arabie Saoudite – sans la participation des Européens ni de Kyiv. «Je suis très déçu» de ces propos, a tancé Trump, avant de lancer : «Aujourd’hui j’ai entendu «oh nous n’étions pas invités». Et bien, vous avez été là depuis trois ans. Vous auriez dû y mettre un terme il y a trois ans», a-t-il déclaré. Avant de lancer, à l’adresse du leader ukrainien : «Vous n’auriez jamais dû commencer» la guerre.
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En Floride, revenant sur ces discussions de haut niveau entre responsables russes et américains, lors desquelles Washington et Moscou se sont entendus pour nommer des négociateurs sur la guerre, le président américain a jugé qu’elles avaient été «très bonnes» et il s’est dit «bien plus confiant» en la possibilité d’un accord pour mettre fin à la guerre. «La Russie veut faire quelque chose. Ils veulent mettre un terme à la barbarie sauvage», a assuré le milliardaire républicain. Interrogé par ailleurs sur une éventuelle rencontre avec Vladimir Poutine avant la fin du mois, Donald Trump a simplement hoché la tête et répondu : «Probablement.»
Lors de sa conférence à Mar-a-Lago, le chef d’Etat américain a aussi reproché à l’Ukraine d’avoir détourné une partie des aides depuis le début du conflit. «Le président Zelensky m’a dit la semaine dernière qu’il ne savait pas où était la moitié de l’argent qu’on leur a donné», a-t-il soutenu, avant de critiquer l’absence d’élections en Ukraine depuis l’invasion russe. «Nous avons une situation [...] où le dirigeant de l’Ukraine – je suis désolé de le dire – mais il est à 4 % d’opinions favorables», a-t-il déclaré, dans un mensonge flagrant, le taux d’approbation de Zelensky se situant plutôt à 57 % d’opinion positive selon un sondage réalisé ce jour.
Interrogé sur l’idée, qui émerge et divise des pays européens, d’envoyer des troupes européennes de maintien de la paix en Ukraine, Donald Trump semble la voir d’un bon œil : «S’ils veulent faire cela, c’est super. J’y suis totalement favorable.» Il a aussi confirmé que les Etats-Unis «n’ont pas à en envoyer là-bas, parce que, vous savez, nous sommes très loin».
«Etre avec Poutine ou être avec la paix»
Volodymyr Zelensky n’avait pas laissé la salve sans réponse. En conférence de presse, il a estimé ce mercredi à la mi-journée que le président républicain, qu’il «respectait […] malheureusement beaucoup en tant que leader du peuple américain», vit désormais «dans un espace de désinformation» russe. Il a également accusé le président républicain d’aider Vladimir Poutine à sortir de son «isolement» international en acceptant des pourparlers bilatéraux à Riyad. Le président ukrainien n’a pas manqué de rappeler sa volonté de mettre «fin à la guerre» avec la Russie en 2025 en demandant «des garanties de sécurité» de la part de ses alliés occidentaux.
Plus tard dans la journée, Zelensky en a remis une couche, toujours en conférence de presse : pour lui, le monde doit choisir en «être avec Poutine ou être avec la paix». Le président ukrainien a par ailleurs indiqué qu’il devait rencontrer jeudi en Ukraine l’envoyé spécial américain Keith Kellogg, espérant un travail «constructif» avec Washington.
Moscou jubile, l’Europe condamne
Les propos de Trump ont évidemment réjoui Moscou. «C’est un signal qu’il comprend notre position», a affirmé le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, devant les députés russes, alors que Vladimir Poutine a évalué «positivement» les premières discussions entre Washington et le Kremlin. La France affiche pour sa part sa perplexité, par la voix de la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas. A la sortie du conseil des ministres, elle a fait savoir qu’Emmanuel Macron avait évoqué ce mercredi matin à l’Elysée «la position des Etats-Unis au travers des propos divers et variés et souvent peu compréhensibles [exprimés] par le président Trump», dont «on cherche la cohérence dans le temps». «Les déclarations d’hier sont dans cette lignée […]. Nous ne comprenons pas très bien la logique américaine.»
Plus tard dans la journée, c’est au tour d’Olaf Scholz de se désespérer des déclarations trumpiennes. Il est «tout simplement faux et dangereux de nier au président Zelensky sa légitimité démocratique», a réagi le chancelier social-démocrate au magazine Spiegel. «Le fait que, en pleine guerre, des élections régulières ne puissent pas être organisées correspond aux dispositions de la Constitution ukrainienne et des lois électorales. Personne ne devrait prétendre le contraire», a poursuivi celui qui remet en jeu son mandat le 23 février et dénonce régulièrement les interventions du pouvoir américain en faveur de l’extrême droite. Il a été imité dans la soirée par son homologue britannique Keir Starmer, qui a apporté son «soutien» à Zelensky, «démocratiquement élu».
Mise à jour à 12 h 47, avec l’ajout des déclarations de Volodymyr Zelensky, Sergueï Lavrov et Sophie Primas, puis à 17 h 06 avec les dernières accusations de Donald Trump et enfin à 20 h 13 avec les réactions d’Olaf Scholz puis de Keir Starmer.