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Amir Boukhors, un influenceur critique du pouvoir au cœur des tensions entre Paris et Alger

La crise entre la France et l'Algériedossier
Connu sur les réseaux sociaux sous le nom «Amir DZ», l’homme de 42 ans est un critique virulent du régime algérien depuis une décennie.
Amir DZ lors d'une manifestation parisienne du Hirak, le 3 mars 2019. (Augustin Le Gall /REA)
publié le 16 avril 2025 à 18h16

Il est au cœur du nouveau coup de froid entre Paris et Alger. L’affaire de l’enlèvement d’Amir Boukhors, dit «Amir DZ», influenceur opposant au régime algérien, est venue percuter le fragile rabibochage diplomatique qui se dessinait entre les deux capitales, après huit mois de tension. Cet Algérien de 42 ans, très actif sur les réseaux sociaux depuis une dizaine d’années, est aujourd’hui suivi par 1,1 million de personnes sur TikTok et 211 000 sur son canal Telegram. Il se présente comme un «journaliste d’investigation», et s’est fait un nom, en Algérie, pour avoir évoqué publiquement des scandales touchant des proches du régime de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika.

Amir Boukhors s’est installé en France en 2016, d’où il a poursuivi son activité en ligne. En 2019, il prend part au Hirak, le mouvement de contestation contre le maintien au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, qui pousse le président infirme à la démission en avril de la même année. L’influenceur est alors présent dans toutes les manifestations parisiennes. Depuis, dans les vidéos qu’il publie sur ses réseaux, vues par des dizaines de milliers d’internautes, Amir DZ critique le président algérien Abdelmadjid Tebboune, qui a succédé à Bouteflika en 2019, ainsi que le premier cercle du chef de l’Etat. Il est aussi à l’origine de révélations sur des faits de corruption dans l’armée et l’administration.

L’opposant risque la peine de mort dans son pays d’origine. A ce jour, Amir Boukhors fait l’objet de neuf mandats d’arrêt internationaux émis par Alger. Entre 2015 et 2019, il est condamné sept fois en son absence par les tribunaux algériens, notamment pour «escroquerie», «menaces», «diffamation» et «outrage à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions». Les sept demandes d’extraditions, auxquelles s’ajoutent en avril 2021 deux demandes pour «adhésion et affiliation à un groupe terroriste dans le but de répandre la terreur parmi la population», ont toutes été refusées par la France, de peur que ses droits ne soient pas respectés en Algérie. La France lui a accordé l’asile politique en 2023. L’influenceur est donc à l’abri de toute extradition.

Une première «agression grave» à son encontre aurait eu lieu en 2022, a déclaré son avocat, Me Eric Plouvier, à l’AFP. Mais la plus récente et la plus spectaculaire a eu lieu le 29 avril 2024. Ce jour-là, Amir Boukhors est enlevé près de chez lui par de faux policiers qu’il accuse de travailler pour l’Etat algérien. Interviewé par France 2 le 12 avril, l’influenceur affirme être «tombé dans un piège». Quatre personnes portant des brassards de police l’attendaient devant son domicile, a-t-il raconté. Les faux policiers le séquestrent pendant vingt-sept heures. L’un de ses ravisseurs lui aurait dit qu’un responsable algérien voulait lui parler – il n’a finalement rencontré personne. «Ils ne peuvent pas faire ça à un réfugié, ce serait un scandale d’Etat !» s’indigne l’influenceur devant les caméras françaises.

Après un an d’investigation, trois personnes ont été mises en examen le 11 avril 2025. Les enquêteurs envisagent la piste d’un «contrat» commandité par un membre du consulat d’Algérie à Créteil. En réponse, Alger a expulsé lundi douze agents de l’ambassade française, ranimant la crise diplomatique entre les deux pays, qui semblaient jusqu’alors en voie d’apaisement. Paris a répliqué le lendemain en procédant à l’expulsion symétrique de douze agents consulaires algériens.