La visite de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en Ukraine, en Israël puis en Egypte s’est achevée sur un succès : la signature, ce mercredi, d’un accord entre l’Union européenne, et les deux pays de Méditerranée orientale, pour approvisionner l’Europe en gaz naturel. Chaque partie y trouve son compte : l’Europe, en ce qu’elle se détache de sa dépendance au gaz russe ; Israël, qui y voit une opportunité économique et diplomatique ; l’Egypte, parce qu’elle peut devenir un hub énergétique.
Sevrage des énergies fossiles russes
«Le Kremlin a utilisé notre dépendance aux énergies fossiles russes pour nous faire du chantage», a déploré Ursula von der Leyen lors d’un discours à l’université Ben-Gourion, dans le désert du Néguev, au sud d’Israël. S’en affranchir est devenu l’une des priorités de l’Union européenne, qui cherche à développer sa coopération énergétique avec d’autres Etats. En 2021, l’UE a importé environ 155 milliards de mètres cubes de gaz de Russie, soit 45% de l’ensemble de ses importations de gaz, selon l’Agence internationale de l’Energie.
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La signature de cet accord intervient au moment où Moscou décide de limiter drastiquement les flux de gaz vers l’Allemagne. Le géant russe Gazprom annonce ce mercredi baisser d’un tiers ses livraisons de gaz via le gazoduc Nord Stream qui relie la Russie à l’Allemagne, affirmant avoir été forcé d’arrêter une turbine à gaz de Siemens à la station de compression Portovaïa, où se fait le remplissage de Nord Stream. Au lendemain de la décision, la production quotidienne passe ainsi de 100 à 67 m³ par jour, après avoir déjà été réduite de 167 à 100 m³. Il s’agit, au total, d’une baisse de 60% des approvisionnements quotidiens via ce gazoduc sous-marin. Le ministre de l’Energie et du Climat allemand, Robert Habeck, a fustigé une «stratégie visant à perturber et à faire grimper les prix». Gazprom diminue également de 15% ses livraisons de gaz au groupe italien Eni. Ursula von der Leyen le rappelle : «Depuis le début de la guerre (en Ukraine), la Russie a délibérément coupé ses approvisionnements de gaz à la Pologne, la Bulgarie et la Finlande, à des entreprises néerlandaises et danoises en représailles à notre soutien à l’Ukraine.»
Une brèche pour Israël
Une opportunité à la fois économique et diplomatique à saisir pour Israël, qui a commencé à produire et à exporter du gaz après la découverte, au début des années 2010, de plusieurs gisements. «On ne parle pas assez de l’importance du gaz naturel dans le renforcement des liens entre Israël et l’Egypte et son impact sur le statut géopolitique d’Israël au Moyen-Orient», observe Lior Schillat, directeur général du ministère de l’Energie israélien.
Israël dispose de trois champs de gaz naturel en exploitation, Tamar, Leviathan et Karish. Situé dans une zone maritime entre Israël et le Liban, ce dernier champ gazier a vu, le 5 juin, l’arrivée d’une unité flottante de production, stockage et déchargement israélienne, suscitant l’ire du Liban. La délimitation précise de cette zone fait en effet l’objet d’un litige entre les deux pays, depuis une décennie.
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En revanche, Israël ne possède pas de pipeline reliant les gisements gaziers offshore à l’Europe. Depuis 2020 et la signature d’un retentissant accord de 15 milliards de dollars avec l’Egypte, Israël achemine son gaz chez son voisin, qui en garde une partie pour son propre usage. «C’est aussi l’occasion pour l’Egypte de devenir un centre régional en matière d’énergie», a rappelé la présidente de la Commission européenne, au Caire. Avant d’appeler à la mise en place immédiate d’un «fonds de 100 millions d’euros» destiné à assurer la sécurité alimentaire de l’Egypte, ainsi qu’un autre fonds de 3 milliards d’euros, pour financer des programmes alimentaires et agricoles.
Le 30 mai, le ministère de l’Energie israélien a annoncé préparer de nouveaux appels d’offres afin d’explorer le gaz naturel en mer et devenir un fournisseur clé des Européens, en utilisant les gisements de la mer Méditerranée. Quelques mois auparavant, Israël indiquait pourtant vouloir arrêter la recherche de gaz naturel pour l’année 2022, au profit des énergies renouvelables. La guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont conduit l’Etat hébreu à repenser sa stratégie énergétique.