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A quai

Mer Rouge : le géant britannique BP suspend à son tour le passage de ses navires après les attaques des Houthis

Après plusieurs attaques de rebelles yéménites contre des navires, la compagnie pétrolière britannique a annoncé ce lundi 18 décembre suspendre à son tour la traversée de la zone, tout comme la CMA CGM, Maersk et MSC.

Un tanker de l'entreprise BP, au large de la ville de Blaine, au nord-ouest des Etats-Unis, le 19 novembre 2021. (Bloomberg/Getty Images)
Publié le 15/12/2023 à 18h19, mis à jour le 18/12/2023 à 14h43

Les géants du commerce maritime se détournent face aux tensions actuelles en mer Rouge. Le géant britannique des hydrocarbures BP a annoncé ce lundi 18 décembre suspendre à son tour le transit en mer Rouge, après des attaques perpétrées par des rebelles Houthis du Yémen. «La sûreté et la sécurité de nos collaborateurs et de ceux qui travaillent en notre nom sont la priorité de BP», a déclaré l’entreprise dans un communiqué, qui dit aussi que cette pause sera constamment réévaluée «en fonction des circonstances à mesure qu’elles évoluent dans la région».

Dans le même temps, un navire norvégien, le M /T Swan Atlantic, a été touché en mer Rouge par un «objet non identifié», a déclaré lundi son propriétaire. «Heureusement les membres de l’équipage indien n’ont pas été blessés et, selon eux, le bateau a subi des dégâts limités», a précisé l’armateur norvégien Inventor Chemical Tankers dans un communiqué.

Dans la foulée, les rebelles Houtis ont revendiqué l’attaque. «Les forces armées yéménites ont mené une opération militaire contre deux navires liés à l’entité sioniste [Israël, ndlr] à l’aide d’hydravions», ont-ils affirmé dans un communiqué, identifiant le premier navire comme étant le Swan Atlantic et le second comme étant le MSC Clara.

Samedi, c’était l’armateur CMA CGM, premier transporteur français, qui suspendait la traversée de la mer Rouge par ses porte-conteneurs. Le groupe a «décidé d’ordonner à tous les porte-conteneurs de CMA CGM dans la région qui doivent passer par la mer Rouge, de rejoindre des zones sûres» ou de ne pas sortir des eaux jugées sûres, «avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre», selon un communiqué.

Peu après, l’armateur italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) a annoncé qu’il renonçait aussi à faire circuler dans le canal de Suez «jusqu’à ce que le passage de la mer Rouge soit sûr», explique l’entreprise dans un communiqué, précisant qu’aucun membre d’équipage n’avait été blessé vendredi dans l’attaque visant le «MSC Palatium III». Le navire a subi des «dégâts limités dus à un incendie».

«Interrompre leur voyage jusqu’à nouvel ordre»

Les rebelles Houthis ont mené de nouvelles attaques vendredi contre des navires au large du Yémen. Trois porte-conteneurs ont été visés par des missiles tirés par cette organisation armée proche de l’Iran. Les Houthis avaient prévenu qu’ils viseraient des bateaux naviguant au large des côtes du Yémen ayant des liens avec Israël, en riposte à la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

Si les dégâts sur les bateaux visés sont limités, les attaques viennent accroître encore l’insécurité dans cette zone cruciale pour le commerce international. Résultat : le géant danois du transport maritime Maersk a ordonné vendredi à ses navires de ne plus passer par un détroit concerné par ces attaques houthies. «À la suite de l’incident qui a visé Maersk Gibraltar hier et d’une nouvelle attaque contre un porte-conteneurs aujourd’hui, nous avons demandé à tous les navires Maersk de la région qui doivent passer par le détroit de Bab al-Mandab d’interrompre leur voyage jusqu’à nouvel ordre», annonce le transporteur dans un communiqué.

Dans la soirée vendredi, l’armateur allemand Hapag-Lloyd AG lui a emboîté le pas en annonçant une suspension de ses traversées jusqu’à lundi.

Les Houtis avaient affirmé avoir mené vendredi «une opération militaire contre deux porte-conteneurs, MSC Alanya et MSC Palatium III, qui se dirigeaient vers l’entité israélienne».

Les navires ont été visés par deux missiles «après que leurs équipages ont refusé de répondre aux appels des forces navales yéménites ainsi qu’aux messages d’avertissement», a affirmé leur porte-parole militaire, Yehya Sari, lors d’une manifestation de soutien aux Palestiniens organisée à Sanaa, la capitale qu’ils contrôlent depuis 2014. La société de renseignement maritime Ambrey avait indiqué plus tôt que les deux navires, dont l’un se dirigeait selon elle vers Jeddah, en Arabie saoudite, avaient été menacés probablement car leurs propriétaires, l’armateur suisse MSC, a «coopéré avec Israël».

Quelques heures avant, un autre incident avait impliqué dans la même zone un porte-conteneurs battant pavillon du Liberia, détenu par la société allemande Hapag-Lloyd. «Nous savons que quelque chose, qui a été tiré d’une région contrôlée par les Houthis au Yémen, a touché un navire qui a été endommagé et qu’un incendie a été signalé», explique un responsable militaire américain. L’agence de sécurité maritime britannique UKMTO a également rapporté qu’un navire avait été touché par «un objet inconnu», déclenchant un incendie, sans faire de victimes. «Il y a eu une attaque contre l’un de nos navires», a confirmé un porte-parole d’Hapag-Lloyd AG à l’AFP, en précisant que le navire était en route vers Singapour depuis le port grec du Pirée. Il n’y a pas eu de blessés et le bateau poursuit sa route vers sa destination, selon la même source. Selon Ambrey, la compagnie allemande a des bureaux dans les ports israéliens d’Ashdod, Haïfa et Tel-Aviv.

«Menace concrète»

En visite en Israël, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a affirmé vendredi que les rebelles yéménites Houthis «représentaient une menace concrète pour une libre navigation» en mer Rouge. «Les Etats-Unis travaillent avec la communauté internationale et leurs partenaires dans la région pour faire face à cette menace», a-t-il ajouté à Tel-Aviv, après avoir rencontré des responsables israéliens.

Le ministre iranien de la défense, Mohammed Reza Ashtiani, avait mis en garde mercredi contre un éventuel déploiement de forces multinationales en mer Rouge. «S’ils prennent une décision aussi irrationnelle, ils seront confrontés à des problèmes extraordinaires», a-t-il déclaré à l’agence officielle ISNA. «Personne ne peut agir dans une région où nous sommes prédominants», a-t-il ajouté. Quelque 20 000 navires circulent chaque année sur cette route maritime reliant la Méditerranée à l’Océan Indien.

Large de 27 km, ce détroit sépare le Yémen de Djibouti et constitue la porte d’entrée en mer Rouge depuis le golfe d’Aden au sud.

Mise à jour : lundi 18 décembre à 14 h 42, avec l’ajout de la décision de BP, l’attaque d’un navire norvégien et la revendication des Houtis.