Après cent vingt-huit jours de détention, ils ont savouré leurs premières heures de liberté en larmes dans les bras de leurs proches. Sur des photographies publiées ce lundi par les médias israéliens, Fernando Marman (60 ans) et Luis Har (70 ans), deux Israélo-Argentins de la même famille enlevés le 7 octobre au kibboutz Nir Yitzhak par le Hamas, sont apparus pâles et fatigués, mais la mine soulagée. Les ex-otages se trouvent à l’hôpital Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv, «dans un état stable», selon le directeur de l’établissement, qui avait déjà accueilli une trentaine d’otages libérés lors de la trêve conclue fin novembre entre Israël et le Hamas.
Leur libération, dans la nuit de dimanche à lundi, est le fruit d’une vaste opération menée conjointement par l’armée, le Shin Beth (Sécurité intérieure) et la police israélienne à Rafah, ville frontalière avec l’Egypte, à l’extrême sud de la bande de Gaza. Les forces israéliennes ont raconté avoir fait irruption à 1h49 précisément, avec des explosifs, dans l’immeuble où les deux hommes étaient détenus par des combattants palestiniens, avant de les exfiltrer sous les tirs et d’intenses bombardements. Le Premier ministre Benyamin Nétanyahou et d’autres responsables suivaient en direct le déroulé de cette opération commando. Vers 3h15, les deux otages sont arrivés à l’hôpital à bord d’un hélicoptère militaire.
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«Vers 3 heures du matin nous avons reçu un appel des autorités israéliennes nous disant : Fernando et Luis sont entre nos mains, venez les voir à l’hôpital», a raconté à la presse Idan Bejerano, le gendre d’un des otages libérés. «Sous le choc», la famille saute dans une voiture et part les retrouver. «Quand nous les avons vus, le cœur battait à 200 battements par minute, peut-être davantage. Il y avait beaucoup de pleurs, des embrassades, mais peu de mots.» «Ils se sont étreints en silence», c’était «très émouvant», a décrit à l’AFP Arnon Afek, le directeur de l’hôpital Sheba.
A la nièce de Fernando Marman, Gefen Sigal Ilan, qui ne cesse de trembler depuis l’annonce de leur libération, les deux hommes sont apparus «très maigres». «Ils sont sous surveillance médicale, alités. Ils semblent ok, si je puis dire. Ils passent une batterie de tests, entourés de médecins et d’infirmières. Plus important encore, leur famille les entoure», a ajouté Idan Bejerano, qui fêtait lundi ses 48 ans.
Les ex-otages ont déclaré s’être nourri essentiellement de pain pita et de fromage blanc pendant leur détention, rapporte le site israélien Ynet. Lorsque les terroristes leur ont demandé s’ils étaient juifs, Fernando Marman et Luis Har ont répondu qu’ils étaient argentins, donnant lieu selon le média à des conversations quelque peu surréalistes sur le football.
Enlevés le 7 octobre avec leur famille
Tous deux nés en Argentine, Luis Har et Fernando Marman sont arrivés en Israël à près de trente ans d’intervalle – dans les années 70 pour le premier, à la fin des années 90 pour le second. Leur route se croise il y a vingt-deux ans, lorsque Luis devient le partenaire de Clara Marman, la sœur de Fernando, détaille le site Bring Our People Home. Ensemble, ils auront quatre enfants et dix petits-enfants, qui surnomment leur grand-père «Lulish».
Fernando, bricoleur passionné par le travail du bois, est, lui, célibataire. Lorsqu’il ne travaille pas au magasin d’ameublement de Ramat Ha Sharon, près de Tel-Aviv, il se dévoue tout entier à sa famille. D’abord à son père malade, dont il s’occupe jusqu’à sa mort en 2016. A sa fratrie et à ses nièces, ensuite. L’oncle «au cœur d’or» voyage régulièrement à l’étranger avec Clara et leur autre sœur, Gabriela Leimberg. Comme en Argentine, l’année dernière, à l’occasion de la retraite de son beau-frère, ancien comptable. Grand amateur de danse, Luis Har virevolte aussi avec Clara à travers Israël, en visite auprès de leurs petits-enfants, quand il n’est pas chez lui à cuisiner des empanadas, au kibboutz Urim.
Le 7 octobre, c’est à Nir Yitzhak, un kibboutz parsemé de citronniers dans le sud d’Israël, que la fratrie se retrouve pour une fête de famille. Jusqu’à ce que des terroristes du Hamas fassent irruption dans la maison, avant de tous les kidnapper. Clara Marman (62 ans), Gabriela Leimberg (59 ans) et sa fille Mia (17 ans) – accompagnée de sa chienne, Bella – seront toutes trois relâchées le 28 novembre 2023, lors de la trêve entre le mouvement islamiste et l’Etat hébreu. Après soixante-seize jours d’attente, Fernando Marman et Luis Har ont enfin connu le même soulagement.
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Passée l’annonce de leur libération, le président argentin, Javier Milei, s’est empressé sur X (ex-Twitter) de féliciter l’armée israélienne pour cette opération. «Seule la poursuite de la pression militaire, jusqu’à la victoire complète, aboutira à la libération de tous nos otages», a réagi de son côté Benyamin Nétanyahou, alors que la perspective d’une offensive israélienne sur Rafah surpeuplée suscite de vives inquiétudes à l’international. Selon Israël, il resterait 130 otages toujours détenus à Gaza, dont 29 seraient morts.
«Heureusement pour nous, en tant que famille, [Fernando et Luis] ont été sauvés ce soir. Mais je dois dire que le travail n’est pas terminé. Nous sommes heureux aujourd’hui, mais nous n’avons pas gagné. Ce n’est qu’un pas de plus pour ramener tous les autres» captifs, a déclaré à la presse Idan Bejerano. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a estimé que cette opération de sauvetage constituait «un tournant dans la campagne» contre le Hamas, «vulnérable» et «pénétrable». «Il y aura d’autres opérations» de ce type, a-t-il prédit, tout en reconnaissant que «la plupart» des otages ne seraient pas «ramenés de cette manière» en Israël.