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Interview

50 ans du génocide cambodgien : «Les Khmers rouges ne souhaitaient pas simplement tuer, mais détruire au-delà des individus»

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Génocide cambodgien par les Khmers rougesdossier
Selon l’anthropologue et psychiatre Richard Rechtman, les crimes commis par les hommes de Pol Pot au Cambodge relèvent bien de la qualification de génocide.
Les grottes de Phnom Sampeau où des milliers de Cambodgiens ont été tués par les Khmers rouges, près de Battambang. (Agnès Dherbeys/Myop)
publié le 13 avril 2025 à 8h00

Depuis le milieu des années 1980, Richard Rechtman a beaucoup travaillé auprès de la communauté cambodgienne, notamment les victimes des Khmers rouges. Anthropologue et psychiatre, directeur d’études à l’EHESS, il a publié en 2022 la Vie ordinaire des génocidaires (CNRS Editions) où il montrait que ce ne sont pas les idéologies qui tuent, mais bien les hommes. Dans une interview à Libération, il définit les spécificités du massacre de masse commis au Cambodge entre 1975 et 1979 avant de démontrer son caractère génocidaire.

Quelle place occupe le génocide cambodgien par rapport aux autres crimes de masse du XXe siècle ?

C’est avec les crimes de masse des régimes communistes, dans la Russie stalinienne et la Chine maoïste, que l’on peut établir une comparaison. Je dirais qu’il y a une forme d’emprunt que les Khmers rouges ont fait auprès de ses régimes. Mais, à la différence du stalinisme et du maoïsme, ils n’ont pas massacré pour soumettre, mais bien pour éradiquer.

La comparaison avec la machine de mort nazie est-elle pertinente ?

Cette comparaison m’a toujours gêné parce que l’on n’est pas dans les mêmes méthodes. Les déportations ne sont pas identiques. L’utilisation de la famine, la gestion des corps ne sont pas les mêmes non plus. Nous savons désormais que les génocides ne se font qu’avec les outils dont disposent les populations locales.