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Libération
Birmanie

A Rangoun, la voix cachée des militants

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Dans la capitale économique, des artistes, des activistes pro démocratie ou d’anciens militaires se cachent, redoutant les opérations nocturnes de l’armée. S’ils continuent leur combat contre le régime, certains réfléchissent déjà à l’exil.
A Rangoun, jeudi, lors de la tentative de dispersion d’une manifestation à coups de gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre. (AFP)
par Juliette Verlin, Correspondante à Rangoun
publié le 4 mars 2021 à 20h55

Quand on lui demande de parler de sa grand-mère, Khine détourne le regard vers une grande étagère qui monte presque jusqu’au plafond, à côté d’elle. Chaque centimètre carré est couvert de récompenses pour services rendus à la communauté, de boules à neige de destinations lointaines et de portraits de sa grand-mère, Daw Thet Myay Aung, serrant la main aux plus grandes personnalités birmanes de ces vingt dernières années. Khine montre une photo sur laquelle elle prend la pose, détendue, aux côtés d’Aung San Suu Kyi. «Les gens appellent ma mamie la mère Teresa birmane. Je ne vois pas pourquoi les militaires l’ont arrêtée, dit-elle d’une voix sèche, avant de se reprendre, songeuse. Elle était très impliquée en politique. Elle avait un lien particulier avec Aung San Suu Kyi, parce qu’elles veulent toutes les deux tout faire pour leur peuple.»

La nuit du coup d’état, vers 4 heures du matin, un groupe de soldats en tenue civile a sauté par-dessus la clôture du jardin de Daw Thet Myay Aung. Ils ont coiffé d’une couverture la caméra de surveillance avant de pénétrer dans la maison, et ils ont enlevé la grand-mère de Khine, âgée de 68 ans. Depuis, la jeune femme n’a aucune nouvelle. «Je suis toujours en état de choc», raconte-t-elle, les yeux cernés. Elle parle vite, ses mains s’agitent autou