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Sommet

A Tianjin, la Chine met en scène son entregent diplomatique

Pendant un sommet réunissant dimanche et lundi une vingtaine de pays eurasiatiques, dont la Russie, Pékin souhaite se positionner en puissance du multilatéralisme. Son premier succès : une réconciliation avec l’Inde.

Le Premier ministre indien, Narendra Modi, et le président chinois, Xi Jinping, au sommet organisé à Tianjin ce dimanche 31 août. (Indian Press Information Bureau/AFP)
ParFrançois-Xavier Gomez
Rédacteur reporter
Publié le 31/08/2025 à 18h35

Un nouvel ordre géostratégique mondial avec pour centre Pékin et allié principal Moscou : c’est l’ambition du président Xi Jinping, qui accueille en Chine le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Ce forum de 26 pays (10 membres, 16 partenaires ou observateurs) se réunit à partir de ce dimanche 31 août à Tianjin, un port au dynamisme économique souvent cité en exemple, et quatrième ville la plus peuplée du pays avec près de 14 millions d’habitants.

Xi Jinping a ouvert le bal ce dimanche avec une réception pour ses prestigieux invités : le Russe Vladimir Poutine, l’Indien Narendra Modi, le Turc Recep Tayyip Erdogan, ou encore l’Iranien Massoud Pezeshkian. Le Nord-Coréen (et très casanier) Kim Jong-un, de son côté, se déplacera à Pékin mercredi pour une parade militaire annoncée comme grandiose, à l’occasion des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la victoire contre le Japon. Le président russe sera aussi en tribune.

Conçu pour développer la coopération régionale entre Etats eurasiatiques, notamment en matière de défense, au moment où les anciennes républiques soviétiques pouvaient être tentées de se rapprocher de l’Otan, l’OCS a vu le jour en 2001. Ses moteurs étaient et restent la Chine et la Russie, toutes deux désireuses d’unir leurs forces face à Washington. Rejoint plus tard par Inde, le Pakistan, l’Iran et l’Indonésie, l’ensemble actuel pèse plus de 3 milliards d’habitants, et 24 % du PIB mondial.

«La danse du dragon et de l’éléphant»

Le contexte actuel – conflit commercial des Etats-Unis avec la Chine et l’Inde, guerre en Ukraine et querelle nucléaire iranienne… – fait de ce sommet de l’OCS le plus important de son histoire. Son premier résultat tangible est le rapprochement entre Pékin et New Delhi, après des décennies de tensions autour de frontières contestées dans l’Himalaya. La poignée de mains de dimanche entre Xi et Modi, qui n’avait plus foulé le sol chinois depuis 2018, a scellé la fin de la brouille. Une autre avancée sera, sans doute dans les semaines qui viennent, la reprise des vols directs entre les deux puissances, suspendus en 2020, à la suite d’une escarmouche frontalière qui s’était soldée par la mort de 20 militaires indiens. Le président chinois a donné une définition poétique à cette nouvelle harmonie bilatérale : «La danse du dragon et de l’éléphant.»

L’Ukraine sera un autre des dossiers examinés par les participants. Face à Vladimir Poutine et à son voisin et vassal Alexandre Loukachenko, président du Bélarus, Narendra Modi tentera de jouer les modérateurs. C’est du moins ce qu’espère Volodymyr Zelensky, qui s’est entretenu avec son homologue indien samedi par téléphone.

Le président ukrainien a réaffirmé son désir d’une réunion avec Vladimir Poutine. Et a affirmé sur les réseaux sociaux que Modi soutenait la nécessité d’un cessez-le-feu, qu’il souhaite voir évoqué à Tianjin. La Chine elle-même se proclame neutre dans le conflit, une attitude qui selon Kyiv et ses alliés fait le jeu de Moscou. Pékin reproche à son tour aux Occidentaux de prolonger les hostilités en aidant militairement l’Ukraine.

Tous unis contre les droits de douane de Trump

A des degrés divers, les pays de l’OCS souffrent de la guerre commerciale déclarée par le président américain au reste de la planète. Sa victime numéro 1 est l’Inde, dont les exportations sont depuis le 27 août frappées d’une taxe de 50 % (contre 25 % auparavant), en punition de ses achats de pétrole russe.

Le sous-continent est resté sourd aux menaces brandies par la Maison-Blanche : il économise des milliards de dollars sur le brut que lui vend la Russie à prix préférentiel. Et Vladimir Poutine trouve là une source de revenus essentielle à la poursuite de son offensive militaire contre l’Ukraine. La surtaxe sur les exportations de la Chine vers les Etats-Unis s’élève à 30 %, mais l’application de la mesure a été suspendue par Donald Trump jusqu’à la mi-novembre, un délai qui permettra la poursuite de négociations.

De nombreux pays, pas seulement ceux de l’OCS mais aussi de l’Union européenne, comptent sur le marché chinois pour écouler des produits qu’ils ne pourront plus écouler aux Etats-Unis car rendus trop chers par la hausse des taxes douanières. Cependant, le ralentissement de la consommation dans la deuxième puissance économique mondiale contrarie ce scénario.

L’image de la Chine devrait sortir grandie de la rencontre de Tianjin, en tant que puissance économique, diplomatique et militaire. Mais Vladimir Poutine en tirera aussi bénéfice, deux semaines après sa visite en Alaska, à l’invitation de Donald Trump, qui avait rompu son isolement international.