Trois ans après le retour des talibans au pouvoir, le cauchemar des femmes afghanes continue. Le régime fondamentaliste vient de publier ce jeudi 22 août une nouvelle loi pour «promouvoir la vertu et prévenir le vice» parmi la population. Cette loi composée de plus de 35 articles – qui sont tous en conformité avec la loi islamique ultra-rigoriste – édicte des interdits déjà généralement connus dans l’Émirat islamique. Mais sa promulgation pourrait permettre de renforcer le contrôle, déjà étroit, de la population, à travers le puissant ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice (PVPV).
Le nouveau décret stipule notamment que «les femmes doivent couvrir leur corps entièrement en présence d’hommes n’appartenant pas à leur famille», de même que leur visage «par peur de la tentation». Ceci implique le port d’un masque (type covid) sur la bouche. Idem si «les femmes doivent sortir de chez elle par nécessité». Les femmes ne doivent par ailleurs pas faire entendre leurs voix en public ; à travers des chansons ou des poésies. Elles n’ont également plus le droit de se maquiller ou de se parfumer. Selon l’ONU, les talibans afghans ont ainsi mis en place, par l’application rigoriste de la charia, une situation «d’apartheid genré» pour les femmes et les filles.
«Le seul son d’une voix féminine à l’extérieur du foyer considéré comme une violation morale»
D’autres catégories de la population sont également visées : les conducteurs de véhicules ne pourront par exemple plus accepter de transporter des femmes non voilées sans un homme de leur famille à leur côté, ou en présence d’homme n’appartenant pas à leur famille. Ils ne pourront par ailleurs plus diffuser de la musique à l’intérieur de leur véhicule. La loi édicte également des interdits déjà connus : homosexualité, adultère, jeux d’argent, création ou visionnage d’images d’êtres vivants sur un ordinateur ou un téléphone portable, absence de barbe ou une barbe trop courte pour les hommes ou encore coupes de cheveux «contraires à la charia» sont proscrits.
Concernant les médias, la loi stipule qu’ils ne doivent pas publier «des contenus hostiles à la charia et à la religion», ou qui «humilient les musulmans», ni «qui montrent des êtres vivants». Le texte édicte des sanctions graduelles auxquelles s’exposent ceux qui ne respecteraient pas cette loi : avertissement verbal, menaces, amende, garde à vue allant d’une heure à trois jours, ou autre sanction réclamée par le PVPV. En cas de récidive, la justice sera saisie.
Dès dimanche, la mission de l’ONU en Afghanistan s’est déclarée «préoccupée» par ces nouveaux interdits. «Après des décennies de guerre et au milieu d’une terrible crise humanitaire, le peuple afghan mérite bien mieux que d’être menacé ou emprisonné s’il arrive en retard à la prière, jette un coup d’œil sur une personne du sexe opposé qui n’est pas un membre de sa famille, ou possède une photo d’un être cher», s’est ainsi insurgée Roza Otunbayeva, cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). Et d’ajouter : «La loi étend les restrictions déjà intolérables aux droits des femmes et des filles afghanes, le seul son d’une voix féminine à l’extérieur du foyer étant apparemment considéré comme une violation morale.»
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Les talibans affirment que la loi sera appliquée avec «ménagement»
En réaction aux préoccupations de la communauté internationale, les autorités talibanes d’Afghanistan ont assuré ce lundi 26 août que cette nouvelle loi imposant de nouvelles restrictions aux femmes serait appliquée «avec ménagement». «Je dois préciser clairement que la force et l’oppression ne seront pas utilisées lors de l’application de ces règles», a ainsi détaillé le porte-parole adjoint du gouvernement Hamdullah Fitrat dans un message vocal. Ces règles «seront appliquées en faisant appel à la compréhension des gens, et en les guidant», a-t-il assuré.
Face à cette maigre justification, l’Union européenne continue de se dire «consternée» par ce décret, qui porte «un nouveau coup» aux droits des femmes et des filles en Afghanistan. Il crée «un autre obstacle à la normalisation des relations» entre l’Afghanistan et l’UE, relèvent les 27. La reconnaissance du régime des talibans par les Européens ne pourra se faire que si Kaboul «respecte pleinement (ses) obligations internationales et envers le peuple d’Afghanistan», avertit l’UE.