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Justice

Après 46 ans passés dans le couloir de la mort, le Japonais Iwao Hakamata acquitté

L’homme de 88 a été acquitté ce jeudi 26 septembre par le Tribunal de Shizuoka lors de son procès en révision. Il était accusé d’avoir assassiné en 1966 son patron et trois membres de la famille de ce dernier, une version mise à mal par une analyse ADN.
Cette photo prise le 20 mai 2013 montre Hideko Hakamada, sœur de l'ancien boxeur Iwao Hakamada qui a passé 46 ans dans le couloir de la mort au Japon, montrant une photo de son frère. (Kazuhiro Nogi/AFP)
publié le 26 septembre 2024 à 8h33

Il est celui qui a passé le plus de temps comme condamné à mort au monde. Iwao Hakamata, un Japonais de 88 ans dont 46 passés dans le couloir de la mort, a été acquitté ce jeudi 26 septembre par le Tribunal de Shizuoka lors de son procès en révision. Le détenu était accusé d’avoir assassiné en 1966 son patron et trois membres de la famille de ce dernier. Il avait été condamné à la peine capitale deux ans plus tard. Dès le début de l’audience, le juge a déclaré que le Tribunal considérait l’accusé comme «étant innocent».

Cette affaire est un symbole pour les partisans de l’abolition de la peine de mort au Japon, moins nombreux dans l’archipel selon les sondages, que ceux qui y sont favorables. Très tôt jeudi matin, des centaines de personnes faisaient la queue devant le Tribunal de Shizuoka (à l’ouest de Tokyo) pour tenter d’obtenir une place pour le verdict très attendu.

Une analyse ADN qui change tout

Ancien boxeur devenu employé dans une entreprise de fabrication de miso (soja fermenté), Iwao Hakamata avait été condamné à la peine capitale, par le Tribunal de Shizuoka, en 1968, pour le meurtre de son patron et de membres de sa famille. A l’époque, le prévenu avait d’abord avoué être l’auteur de ces meurtres avant de se rétracter, évoquant des méthodes brutales lors des interrogatoires. Sa condamnation à mort avait cependant été confirmée en 1980 par la Cour suprême japonaise. Ses avocats estimaient que les pièces à conviction ont probablement été fabriquées par la police ou par les enquêteurs de l’époque pour justifier son arrestation et sa condamnation.

En 2014, un tribunal avait admis des doutes sur sa culpabilité après que des tests génétiques ont ébranlé des éléments à charge au cœur du dossier d’accusation : l’ADN retrouvé sur des vêtements ensanglantés ne correspondait pas au sien. Il avait alors été relâché. Mais le chemin pour obtenir un procès en révision a été particulièrement long et tortueux. Sur appel du parquet, la Haute Cour de Tokyo a remis en cause en 2018 la fiabilité des tests ADN et annulé la décision de 2014, sans pour autant renvoyer Iwao Hakamata en prison. En 2020, nouveau rebondissement : la Cour suprême a cassé la décision qui empêchait l’homme d’être rejugé.

Séquelles psychologiques

Lors des réquisitions de son procès en révision en mai dernier lors des réquisitions, les procureurs ont de nouveau réclamé la peine capitale en évoquant sa culpabilité «au-delà de tout doute raisonnable». Ses avocats et ses nombreux soutiens, dont la cheffe de file est sa soeur Hideko, 91 ans, demandaient son acquittement. Selon le journal nippon Mainichi, ce serait la cinquième fois que des procureurs au Japon réclament de nouveau la peine capitale dans des procès en révision d’anciens condamnés à mort. Dans les quatre premiers dossiers, des acquittements avaient été finalement prononcés.

Selon ses proches, Iwao Hakamata souffre d’importantes séquelles psychologiques après avoir passé près de cinq décennies dans le couloir de la mort, souvent à l’isolement, et où chaque jour pouvait être son dernier, comme le prévoit la loi japonaise. «Nous avons mené une bataille qui semblait sans fin pendant si longtemps», avait déclaré sa soeur Hideko. «Mais cette fois, je crois que le combat va se terminer», avait-elle ajouté confiante en son issue.

Les condamnés à mort au Japon sont souvent avertis au tout dernier moment qu’ils vont être pendus quelques heures plus tard, la pendaison étant la seule méthode admise pour la peine de mort dans l’archipel. Les responsables politiques n’ont pas l’intention de l’abolir. En décembre dernier l’archipel comptait un peu plus de 100 condamnés à mort dans ses prisons.