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Au Japon, l’intelligence artificielle à la rescousse des cerisiers en fleur

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Face au vieillissement des arbres et à leur vulnérabilité au changement climatique, une société de boissons a développé une application pour collecter des données sur la santé des sakuras, transmises ensuite aux autorités.
Fleurs de sakura, au Japon. (nomadnes/Getty Images)
publié le 11 avril 2025 à 9h34

Comment protéger l’une des plus belles mais aussi fragiles traditions d’un pays ? Les cerisiers en fleur du Japon, les sakuras, symbole de renouveau et d’éphémère, vieillissent et s’affaiblissent sous le coup du changement climatique.

Cette floraison, un événement très attendu par les Japonais et qui attire de nombreux touristes, se voit menacée par l’âge avancé de nombreux arbres, qui ont de 70 à 80 ans quand la longévité de l’espèce excède rarement les 100 ans. Face au risque de perdre leurs arbres fétiches et aux coûts croissants de leur protection, les autorités locales font appel aux particuliers, épaulés par une nouvelle application utilisant l’intelligence artificielle.

Ainsi, pour aider à collecter des données sur les cerisiers, la société nippone de boissons Kirin a développé un nouvel outil appelé «Sakura AI Camera». Cette application permet aux utilisateurs d’évaluer l’état et l’âge des cerisiers à partir de photos prises avec leur téléphone, sur une échelle de cinq niveaux allant de «très sain» à «préoccupant».

L’intelligence artificielle, entraînée grâce à 5 000 images avec l’aide de spécialistes, analyse les arbres pour fournir cette évaluation. Les photos de l’arbre, son état et sa localisation sont ensuite collectés sur le site de Sakura AI Camera. Depuis son lancement le mois dernier, environ 20 000 nouvelles photos ont été répertoriées et les données sont accessibles en ligne gratuitement pour les autorités.

«Changements environnementaux visibles»

«Nous avons entendu dire que la préservation des cerisiers nécessitait des moyens humains et financiers, et qu’il était difficile de recueillir des informations. Je pense que nous pouvons y contribuer», explique Risa Shioda, du service marketing de Kirin. Selon l’arrondissement tokyoïte de Meguro (sud de la quapitale), qui abrite un quartier célèbre pour ses berges parées de cerisiers, replanter un nouvel arbre coûte l’équivalent de 6 210 euros.

Hiroyuki Wada, de l’association japonaise de «médecins des arbres» qui a contribué à superviser le développement de l’outil, trouve «formidable de pouvoir identifier l’emplacement et l’état des cerisiers». D’après lui, l’idéal serait que les experts puissent utiliser ces données pour analyser les raisons qui les rendent vulnérables.

Alors qu’il inspecte fréquemment les cerisiers dans Tokyo, Hiroyuki Wada a observé ces derniers temps une augmentation du nombre d’arbres nécessitant un entretien particulier. «Je suis très inquiet. Les changements environnementaux sont généralement progressifs, mais maintenant, ils sont visibles», dit-il. «Il y a l’impact de la chaleur et, bien sûr, le manque de précipitations, sans oublier l’âge des arbres, ce qui rend la situation naturellement plus grave». L’agence météorologique japonaise (JMA) a annoncé en janvier que l’année 2024 avait été la plus chaude de l’archipel depuis le début des relevés.

Depuis l’année dernière, Kirin a commencé à reverser une partie de ses bénéfices à la préservation des cerisiers, afin de «rendre la pareille» à la population, très friande de ses boissons dégustées lors des hanami, ces fêtes et pique-niques organisés sous les arbres en fleur, explique Risa Shioda.

Les Sakura symbolisent la fragilité de la vie dans la culture japonaise, car les fleurs ne durent qu’une semaine environ avant que les pétales ne tombent des arbres. Cette période est également vue comme un temps de transition, marquant le début de la nouvelle année fiscale, avec de nombreux diplômés universitaires lançant leur carrière professionnelle et des employés plus âgés prenant de nouvelles fonctions.