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Big Brother

Au Japon, une chaîne de supermarchés contrôle le sourire de ses employés via la reconnaissance faciale

Depuis le 1er juillet, AEON, une grande chaîne de supermarchés japonais, est la première entreprise du monde à utiliser ce type de logiciel de surveillance pour évaluer le sourire de ses employés afin de «satisfaire au maximum la clientèle».
Un supermarché Aeon à Sapporo le 5 avril. (Naoki haranaka/The Yomiuri Shimbun via AFP)
publié le 7 août 2024 à 16h06

Un proverbe japonais dit : «Okyakusama wa kamisama desu.» Autrement dit, «le client est dieu». La chaîne AEON et ses 240 supermarchés ont adopté le 1er juillet un logiciel de reconnaissance faciale et comportementale pour évaluer le sourire de ses employés afin de «satisfaire au maximum la clientèle», selon l’entreprise. Baptisé «Mr Smile», ce logiciel a été développé par la société technologique japonaise InstaVR, selon un article du South China Morning Post. Capable d’évaluer avec une grande précision l’attitude d’un salarié, ce système, censé booster les ventes, s’appuie sur plus de 450 critères qui analysent notamment les expressions faciales, le volume de la voix ou encore, le ton des salutations.

Ce système est également conçu comme une sorte de jeu, dans lequel chacun est invité à améliorer sa note de trimestre en trimestre. «Lorsque le salarié obtient un certain nombre de points d’expérience, son niveau augmente et les éléments de jeu tels que le niveau de difficulté et les variations changent en fonction du niveau», peut-on lire dans le communiqué de presse de l’entreprise.

«Normaliser les sourires»

Apparemment, l’expérience a porté ses fruits. Des essais ont été menés dans huit magasins avec environ 3 400 salariés pendant trois mois. Résultats : l’attitude des employés est désormais 1,6 fois mieux notée, selon la chaîne de supermarchés qui souhaite «normaliser les sourires des membres du personnel et satisfaire les clients au maximum».

Evidemment, l’usage de ce système pose de nombreuses interrogations quant aux conditions de travail et au harcèlement (injures et plaintes répétées) que peuvent subir les employés de magasin. Le phénomène porte un nom : le kasuhara. Cette année, près de la moitié des 30 000 salariés du groupe ont déclaré en avoir été victimes, selon le plus grand syndicat du japon, UA Zensen.

«Lorsque les travailleurs du secteur des services sont obligés de sourire selon une norme, cela me semble être une autre forme de harcèlement envers les clients», a d’ailleurs affirmé auprès du South China Morning Post une source anonyme, alors que d’autres estiment que le sourire devrait rester «une chose belle et sincère, et ne pas être traité comme un produit».