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Billet

Au Japon, une justice kafkaïenne s’acharne sur un condamné à mort rendu fou par 46 ans de prison

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Le procès en révision d’Iwao Hakamata se déroule actuellement à Tokyo, dix ans après sa libération. L’accusé, qui a passé 46 ans en prison, a perdu la raison et n’est pas présent à l’audience, ou l’on ne trouve pas davantage de témoins, d’enquêteurs… ou de preuves.
L'ancien boxeur professionnel japonais Iwao Hakamata, condamné à mort pour le meurtre de quatre membres d'une famille en 1966 et libéré en 2014, et sa sœur Hideko à Tokyo en 2019. (Kazuhiro Nogi/AFP)
par Karyn Nishimura, correspondante à Tokyo
publié le 22 mai 2024 à 18h07

Si le procès en révision du Japonais Iwao Hakamata (souvent appelé par erreur Hakamada), condamné à mort en 1968 pour quadruple meurtre, était le symbole de la justice japonaise, on dirait d’elle qu’elle marche sur la tête avec une cruauté sans nom. Iwao a 88 ans, dont 46 passés dans le couloir de la mort. Dix ans se sont écoulés depuis qu’un tribunal a décidé, en mars 2014, de réviser son procès et de le libérer. Une décennie pendant laquelle s’est joué un ping-pong inhumain entre la Haute Cour de Tokyo, la Cour suprême et encore la Haute Cour puis le tribunal de Shizuoka, où le procès en révision s’est enfin ouvert en octobre dernier. Des séances où l’on n’a cessé de se croire dans un roman de Kafka. Un procès sans accusé – Iwao a perdu la tête et ne peut être présent – sans témoins, sans enquêteurs… et sans preuves.

Un procès où le public est tiré au sort, où l’on ne montre pas les photos, parce qu’elles peuvent choquer, où s’enchaînent de longues lectures et des présentations, où rien n’est improvisé, tout est écrit, prévu, minuté, où les juges sont presque muets, ne posent aucune question.

Heureusement qu’un régiment d’une vingtaine d’avocats est là pour humaniser la scène. L’un d’eux est mort de vieillesse entre deux audiences, après avoir bataillé plus de cinquante ans pour tenter d’obtenir l’acquittement d’Iwao. En face ? Trois procureurs, dont aucun n’était né au moment des faits, en 1966, ni au moment du verdict de peine capitale deux ans plus tard. Ils n’ont travail