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Asie

Au Népal, zizanie autour des 2 000 doses de vaccin anti-Covid du prince du Bahreïn

Montagnes d'ailleursdossier
La garde royale de l’Etat du Golfe pensait vacciner les habitants d’un village de l’Himalaya, où elle se rendait pour un séjour d’alpinisme. Mais les autorités népalaises, qui n’avaient pas été prévenues, ont intercepté le chargement.
Le prince, qui voulait vacciner les habitants d'une ville népalaise, n'avait pas consulté les autorités sanitaires nationales avant d'introduire ces doses d'AstraZeneca. (Yves Herman/Reuters)
publié le 17 mars 2021 à 23h02

Le cheikh Mohammed Hamad Mohammed Al Khalifa a débarqué avec des valises bien pleines à Katmandou. Amateur d’alpinisme, ce prince du Bahreïn est arrivé lundi au Népal avec quinze membres de la garde royale afin d’escalader le Mont Everest lors d’un séjour de soixante-dix-neuf jours dans les montagnes népalaises. Dans la soute de l’avion : 2 000 doses du vaccin AstraZeneca car l’expédition avait prévu de s’arrêter dans la ville de Samagaun et de vacciner ses 1 000 habitants.

Sauf que les autorités népalaises ne l’entendent pas de cette oreille. Elles n’ont pas été prévenues du projet vaccinal du prince bahreïnien. Surtout, il n’a pas respecté les procédures en matière sanitaire. Les doses d’AstraZeneca «ont été introduites sans respecter la procédure nécessaire et sans autorisation de notre bureau», s’est insurgé le porte-parole du département de l’administration des médicaments népalais. Les autorités locales ont donc décidé de lancer une enquête sur l’importation du vaccin et devront décider s’il pourra être utilisé. Elles s’inquiètent notamment du respect de la chaîne du froid.

Crise du tourisme népalais

Le Népal a démarré sa campagne de vaccin anti-coronavirus à la fin du mois de janvier grâce aux dons de la Chine et de l’Inde et au programme onusien Covax, destiné à fournir des doses aux pays les moins riches. Le pays a mis en place un système de priorisation en fonction des risques. La campagne de vaccination s’adresse actuellement aux personnes de plus de 65 ans et devrait être ouverte dans les prochains jours aux plus de 60 ans. Des éléments que le prince du Bahreïn n’a pas pris en compte en débarquant avec ses 2 000 doses.

Sa petite équipe avait décroché une autorisation spéciale des autorités népalaises à condition de respecter une quarantaine de sept jours, puis de présenter un test Covid négatif avant de recouvrer sa liberté de mouvement. Les Bahreïniens sont parmi les premiers à bénéficier de la réouverture des frontières du pays aux alpinistes. Cette décision a été prise dans l’objectif de relancer un peu l’économie du tourisme et son million d’emplois qui dépendent principalement des séjours de randonnée dans les montagnes himalayennes. Près de 1,2 million de touristes étrangers sont ainsi venus dans le pays en 2019, selon les données gouvernementales. Le taux de contamination recensé est resté faible au Népal, mais la fermeture des frontières a plongé le pays dans une situation économique grave.

Cadeau de remerciement

Mohammed Hamad Mohammed Al Khalifa est un touriste fidèle. Grand sportif, le cheikh et les membres de la garde royale ont escaladé l’année dernière deux sommets de l’Himalaya, le Lobuche, qui culmine à 6 145 m et le Manaslu, à 8 163 m, qui est le huitième sommet le plus haut du monde. Pour célébrer le succès de l’expédition, les autorités de Samagaun ont renommé deux crêtes aux noms d’altesses du Bahreïn. Bon prince, Mohammed Al Khalifa a alors promis aux habitants de leur apporter des vaccins contre le Covid-19 lors de sa prochaine venue.

En 2015, relève le Guardian, c’était le prince Harry de la famille royale britannique qui avait donné son nom à un sommet, une manière de le remercier de son aide dans la reconstruction d’une école après un violent tremblement de terre. Le média népalais Republica critique cette pratique et accuse les autorités locales de se vendre au plus offrant. C’est une «violation claire des règles et régulations du pays». Et il insiste : au prétexte de «faire plaisir à des hôtes étrangers», les autorités locales ne doivent pas nier la culture et l’identité locales.